Vatea, basse du groove
On dit de la basse qu’elle se fond dans la musique. Mais même à 120 de tempo, si vous tendez l’oreille, vous entendrez et verrez Vatea, en toute sérénité, le regard calme et confiant vous transporter. Il invite Hommes de Polynésie dans son groove, et comme on aime le penser, un groove ne s’écoute pas, il se ressent.
Bien connu des artistes locaux, Vatea Le Gayic a pu jouer avec des internationaux comme Ladi6, Che Fu, Tiki Taane, Anna Coddington, Ria Hall, Triggerfish, Tété, Cats On Trees, Akpé Motion…
À toute passion ses racines
C’est le 8 Décembre 1993 à Paris que Vatea émet ses premiers sons. D’une mère parisienne et d’un père polynésien, ce n’est plus qu’une question de ‘timing’ pour son retour au fenua en 2000.
Du haut de ses 7 ans, le jeune Vatea assiste à toutes les répétitions de son père, musicien, avec ses copains. Mais il s’ennuie…
“Là, je détestais la musique !”
Il a mieux à faire. Les perspectives d’une carrière de dresseur de Pokémon sont bien trop attrayantes pour perdre son temps dans une salle de répète.
Quelques années plus tard, Vatea suit la coupe du monde de 2006. Pendant la mi-temps du match France-Portugal, la diffusion du clip Dani California des Red Hot Chilli Peppers est une révélation : pour la première fois, Vatea est inspiré par des sons.
“Bon sang, enfin un truc bien ! Je veux être musicien !”
Pour Noël, il sait clairement ce qu’il veut:
“Je veux une guitare électrique !”
Chose dite, chose due ! Vatea, en plein voyage lunaire, branche sa guitare et se rend rapidement compte que le fait d’en posséder une ne suffit pas à faire de lui le John Frusciante tant attendu.
“Grosse déception, je pensais comme par magie jouer des riffs de ouf.”
Après des débuts pour le moins compliqués, de par l’absence de virtuosité innée, il se met à jouer, à bien jouer… du air guitar.
“Je mettais à fond le son et je faisais semblant de jouer”
La basse, la base
Un jour, lors d’une répétition avec son père, le bassiste doit s’absenter et confie son instrument à Vatea, avec comme instruction : « deux notes et un semblant de groove ». Sa gratte est correcte, et il arrive à tenir ses deux notes.
“Je me suis éclaté, notre jam a duré plus de dix minutes”
Après cette expérience, il n’a plus qu’une idée en tête : jouer de la basse.
Il en acquiert une, travaille et écoute des légendes, comme Marcus Miller ou Flea, Pastorius, mais aussi les incontournables locaux, Matorai Chebret, Teiki Lang, Fariki Mai, Gino Mourin, Sam Rosco, Dany Teriihoania…
“J’ai pris une claque !”
Un an plus tard, à la fête du collège, Silvio Cicero se produit. Vatea se retrouve sur scène en remplacement d’urgence du bassiste… Silvio accroche et lui propose de monter un groupe…
Le travail du groove
Vatea fait sa première scène avec le groupe Wave Sound, et va commencer à tourner un peu partout à Tahiti. Leur musique résonne bien et le public apprécie. Mais certains musiciens locaux ne sont pas du même avis…
“On m’a collé un doigt d’honneur sur le front, au sens propre du terme.”
Ces altercations ne font que renforcer la motivation du jeune bassiste. Déterminé à évoluer dans la musique, il se met à travailler encore plus dur.
“Un jour ils m’appelleront pour jouer avec eux.”
Cette pensée se concrétise alors quelques années plus tard, quand Vatea se propulsera grâce à plusieurs rencontres.
Des musiciens hors pair
En 2011 il fait la rencontre de Maruarii Ateni, guitariste et compositeur émérite. Il joue suffisamment pour réussir à vivre de la musique, mais surtout, il apprend beaucoup de son coéquipier, qui a pour habitude déconcertante de changer en plein concert différents accords dans ses morceaux.
“On ne jouait jamais le set de la même façon. Le chat retombe toujours sur ses pattes : c’est ce que j’ai appris avec Maruarii.”
Le présent, le futur
Aujourd’hui, Vatea joue avec différents groupes, notamment avec l’intemporel Manahune, et aspire à sortir ses propre sons.
“Je pense avoir trouvé le type de musique que je souhaite composer.”
Il forge sa passion pour la musique dans un parcours atypique, où il construit sa carrière de musicien en harmonie avec ses convictions.
Il n’aura jamais rangé sa basse, et avec bienveillance, tend la main à de nouvelles rencontres.
“J’aspire à multiplier les rencontres pour continuer à apprendre.”
Plus d'informations
1 Écoutez l’extrait « Empty is grey » de Mononesie, composé avec Stanley Tupaia
Niuhiti J. Gerbier
Rédacteur web
© Photo de couverture : Niuhiti J. Gerbier pour Hommes de Polynésie