Rotui, la culture pour raison de vivre !
Avec Rotui Rurua, on plonge la tête la première dans la culture polynésienne et ses traditions. Cet auteur compositeur a une incontestable fibre créatrice qui semble être sa raison de vivre. Il raconte sa passion à Hommes de Polynésie
UN BERCEAU CULTUREL EXCEPTIONNEL
Dans la famille de Rotui, on vit au cœur des traditions polynésiennes depuis plusieurs générations. Une famille pour qui la religion tient une grande place, et notamment la chorale, où il allait tout petit et pour laquelle il avait l’habitude de répéter une fois par semaine.
«A force de baigner dans cet univers, je jouais de plusieurs instruments à l’âge de 12 ans, je comprenais vite»
Les parents de Rotui vivaient la culture polynésienne au quotidien. Ce sont eux qui s’occupent du centre culturel Puna Reo de Moorea, où des enfants apprennent notamment la langue et les légendes. C’est donc tout naturellement qu’ils transmettaient le patrimoine aux générations futures, et Rotui en a été abondamment imprégné, ce qui lui a donné les bases pour ses futures inspirations artistiques.
« j’étais un élève sérieux, mais rêveur »
C’est vers 13 ans que Rotui, qui travaillait bien à l’école, commence à écrire et composer sur des cahiers. dans sa vie.Son côté rêveur devait s’exprimer, et on comprend vite que cette soif de création est un véritable moteur
Arrivé à l’âge de la vie active, il travaille dans l’entreprise de construction de son père à Faa’a.
Mais très vite sa carrière artistique s’affirme et ne le lâchera plus. À travers ses récits et ses anecodtes, on réalise très vite deux choses d’abord qu’il a cette boulimie de création artistique, aussi bien des paroles et des musiques de chansons, mais aussi qu’il a un parcours qui lui a fait côtoyer les plus grandes troupes de ori tahiti et les plus grands artistes locaux.
NONAHERE, O TAHITI E, LES GRANDS BALLETS, TAHITI ORA…
Après avoir participé au Heiva de Moorea, Rotui s’attaque au Heiva de Tahiti. Il est là pour participer à la composition aux côtés de Matani Kainuku à la création de la troupe Nonahere. Il chante dans la formation de O Tahiti e avec qui il fera plusieurs voyages, puis avec Les Grands Ballets de Tahiti.
« j’ai beaucoup appris aux côtés de Lorenzo Schmidt »
Mais la troupe se disloque et Tumata Robinson crée Tahiti Ora. Rotui la rejoint pour lancer ses compositions, jusqu’au moment où il estime ne plus avoir sa place. Il part avec ce besoin de s’exprimer, cette nécessité de laisser libre cours à son talent et à sa créativité. Il pense trouver cette opportunité avec le groupe Maruao qui réunit plusieurs auteurs compositeurs, mais la collaboration ne dure pas.
« Hitireva a été une formidable expérience »
Rotui retrouve ensuite la troupe Hitireva avec qui il fait plusieurs Heiva dont celui, victorieux, de 2016.
« je compose aussi pour moi mais je deviens plus exigeant »
De toutes ces expériences, Rotui en tire la conclusion qu’il a du mal à s’intégrer dans une troupe ou un groupe déjà existant. Il a d’ailleurs le rêve de constituer une troupe dont il maîtriserait le parcours, et qui aurait pour credo de faire vivre le patrimoine.
« J’essaye de créer pour réveiller notre patrimoine et le faire (re)vivre»
Car Rotui a une position très intéressante sur sa culture. Il défend les traditions mais n’est pas opposé à une évolution, une modernisation, à condition de ne pas faire n’importe quoi, et de respecter les messages ancestraux et le patrimoine.
« le Hura Tapairu permet des fantaisies que le Heiva n’autorise pas »
A ce sujet, il prend l’exemple du Hura Tapairu dont les statuts sont plus souples que ceux du Heiva. On assiste maintenant à des mehura acrobatiques totalement fantaisistes qui relèvent de la performance, mais n’ont plus rien d’académique. Il y a des influences de swing ou de manouche qui viennent s’ajouter au ori tahiti… Et cette liberté ou ces écarts se retrouvent parfois au Heiva.
LE CAS DU ORERO
Rotui enchaîne la discussion sur l’exemple très révélateur et contradictoire du orero qui illustre bien sa vision de la culture polynésienne : il rappelle en fait qu’à la base, le orero se déclamait dans le district de l’orateur, le district étant limité en partant de la montagne et en finissant au littoral.
Historiquement, il était impossible de pratiquer un orero en dehors de son propre district. Mais aujourd’hui tout cela a disparu. C’est dommage du point de vue historique et culturel, mais, paradoxalement, c’est aussi une bonne chose puisque c’est un art qui permet notamment à des enfants polynésiens de s’exprimer dans leur langue.
« Aujourd’hui, la jeunesse polynésienne se cherche »
Rotui fait le constat de l’errance de certains jeunes. Sans avoir de solution miracle, il estime que s’intéresser à la culture, apprendre la danse et viser le Heiva, est une très bonne chose pour remotiver les jeunes. Et d’une manière générale, il est important de ne pas oublier ses bases et ses origines.
Laurent Larchiver
Rédacteur web
© Photos : Hommes de Polynésie