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Art & Culture

Raatiraore Tihoti, artisan de la liberté Hommes de Polynésie Crédit : Cartouche Louise-Michèle

Raatiraore Tihoti, artisan de la liberté

Publié le 10 juillet 2025

Âme rebelle, regard malicieux et mains expertes, Raatiraore Tihoti n’est pas un artisan ordinaire. Hommes de Polynésie vous présente un insoumis libéré des contraintes d’un système qu’il rejette, au profit de l’émancipation et de la création spontanée.

SE SOUSTRAIRE AU TROUPEAU

Raatiraore porte bien son prénom qui signifie littéralement “qui n’a pas de chef”.

« Quand il n’y a pas de chef, nous sommes tous égaux. »

Raatiraore Tihoti, artisan de la liberté Hommes de Polynésie Crédit : Cartouche Louise-Michèle

Ancien professeur de philosophie, celui que l’on surnomme aujourd’hui Bozo, n’a pas supporté de devoir se soumettre pour avoir une carrière. 

« J’en avais marre de la voie hiérarchique. J’ai la tête dure, je ne suis pas un mouton de panurge. »

S’AFFRANCHIR DES LIMITATIONS DU MONDE

Un jour, un jeune homme qui ne sait pas parler le français, contacte Raatiraore Tihoti pour bénéficier de sa pédagogie. Avec sa soif d’apprendre, il apporte avec lui un livre bien spécifique qu’il souhaite utiliser comme support : La liberté, victoire d’esprit de Aïvanhov Omraam Mikhaël.

« En lisant ce livre, j’ai appris que lorsqu’on fait quelque chose de ses mains, on devient un artiste. J’ai voulu voir ça, tiens ! »

Raatiraore Tihoti, artisan de la liberté Hommes de Polynésie Crédit : Cartouche Louise-Michèle

L’ouvrage marque notre enseignant au point qu’il change radicalement sa manière de percevoir le monde qui l’entoure, et son envie de vivre l’existence. Volontairement, il se délivre définitivement de son emploi, ainsi que de ses biens matériels. 

« Pour moi, SDF, c’est sans difficultés financières (rires). Pas de loyer à payer, je dors dans un hamac dans les arbres. »

Raatiraore devient vagabond par conviction, mais surtout : il décide de devenir artisan.

UN ARTISTE AUTODIDACTE

« Je me suis mis à tresser, sans vraiment savoir s’il y aurait un résultat. »

Ces premiers essais ne sont pas révélateurs de son avenir dans le domaine.

« J’étais gauche. »

À force de discipline, des bijoux uniques et originaux en fibre de coco commencent à prendre forme.

Raatiraore Tihoti, artisan de la liberté Hommes de Polynésie Crédit : Cartouche Louise-Michèle

« Je ne fais pas de série, je ne crée jamais deux fois la même pièce. »

Raatiraore essuie d’abord les moqueries, mais sa force de caractère le pousse à persévérer dans la direction qu’il a choisie.

« Au début, on me disait que personne n’achèterait de bijoux en fibre de coco. Puis, j’ai commencé à vendre dans la rue et je payais des redevances à la mairie de Papeete. »

Pour acquérir ce savoir-faire, il effectue une prière intérieure aux anciens. 

« Mes ancêtres avaient une méthode bien précise. Mais je n’aime pas copier, alors, j’ai créé ma méthode en leur demandant de me mettre sur le chemin du tressage… Il faut croire en ses inspirations, rester positif le plus possible. Un problème a cent solutions. »

« La fibre doit être mouillée pour que je la travaille. Mais si je ne peux pas travailler en bord de mer, je fais venir la mer à moi ! »

RECONNU PAR SES PAIRS

Rapidement, il commence à se faire connaître. Il apprend même quelques mots de japonais lui permettant de communiquer avec les touristes sur le front de mer, très friands de son travail si particulier. Notre artisan participe à plusieurs salons, mais rapidement, le coût des stands augmentant, il s’éloigne de ce système également.

« Aujourd’hui, je n’ai plus besoin de faire des expos, je marche dans la rue et on me reconnaît. »

D’abord réservés aux femmes, ses bijoux sont maintenant disponibles pour tous et toutes.

Raatiraore Tihoti, artisan de la liberté Hommes de Polynésie Crédit : Cartouche Louise-Michèle

« Ce sont les hommes qui sont venus me demander de leur fabriquer des bijoux. »

Un tressage délicat et consciencieux mettent en valeur des pendentifs en pierre ou en perle, qu’il échange ou acquière à petit prix. Selon lui, ce n’est pas la qualité de la perle qui fait la parure. 

« Chaque horreur cache une beauté, chaque beauté peu cacher bien des horreurs. »

TRANSMETTRE POUR QUE RIEN NE SE PERDE

Si Raatiraore Tihoti a premièrement gardé jalousement son savoir-faire durement assimilé, il a fini par élargir ses principes. 

« Qui suis-je pour m’octroyer le droit de tresser seul ? »

Dans la rue, l’homme de bientôt 70 ans devient maître artisan pour les jeunes en quête de raison d’être.

« Je ne suis pas du genre à donner à manger à quelqu’un, je suis plutôt du genre à lui offrir un travail. »

Peut-être que certains de ses élèves se découvriront ainsi une vocation, et deviendront les maîtres de demain. En attendant de le savoir, Raatiraore continue de créer des merveilles. 

Cartouche Louise-Michèle Photographe Tahiti

Cartouche Louise-Michèle

Rédactrice

©Photos : Cartouche Louise-Michèle pour Hommes de Polynésie

Directeur des publications : Yvon Bardes

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