
Percy Neagle, poète de l’imaginaire
Percy Neagle écrit, chante, dessine, réalise… Hommes de Polynésie a découvert un artiste pluridisciplinaire, rêveur éveillé animé par le souhait de réconcilier les époques.
LA CRÉATIVITÉ POUR EXODE
Depuis toujours, Percy Neagle se réfugie instinctivement dans le phantasme.
« Je trouve que l’art est une sorte d’échappatoire à la réalité. »

La rugosité de l’existence ne lui convient pas : son âme sensible a besoin de s’exprimer autrement que par la parole.
« Au collège, je me faisais beaucoup harceler. Je n’avais pas forcément de personnes vers qui me tourner pour pouvoir en parler. L’art était la seule façon pour moi d’exprimer ce que j’avais au plus profond de moi. »
Le jeune homme écrit et dessine ses ressentis bruts, se libérant de ses fardeaux à travers ses créations.
TROUVER SA LÉGITIMITÉ
Enfant, Percy est bercé par la majesté des traditions.
« Depuis que je suis petit, j’ai grandi dans les légendes, les mythes de chez nous. »

Ce n’est donc pas un hasard si, après une licence en Information et Communication à l’ISEPP, il choisit de poursuivre un master en Langues, Cultures et Sociétés d’Océanie.
« Je me suis inscrit dans un premier temps pour approfondir mes connaissances sur l’histoire et les cultures d’Océanie. »
Enrichir son savoir est une chose, pouvoir l’exploiter en est une autre.

« Dans un second temps, j’aimerai participer de façon plus prononcé au rayonnement des cultures océaniennes à travers le prisme des arts. Plus précisément des arts visuels, du spectacle et de l’audiovisuel. Je fais ce master pour aussi avoir cette légitimité à travailler dans la culture. »
UNE VISION SUR GRAND ÉCRAN
Ayant déjà collaboré sur certaines manifestations culturelles comme le Festival International du Film Océanien, Percy décide l’année dernière de passer du côté artistique de l’événement.
« Je fais de la photographie et j’ai commencé à faire des films l’année dernière. J’ai proposé un mini-métrage lors de la 22e édition du FIFO, dans la catégorie Mini-Film Festival. »
Créatif invétéré, il croise les média artistiques pour réaliser son projet.
« J’ai mélangé le film avec de l’animation 2D. J’ai pu voir ce que cela faisait d’être derrière. À la fin, quand tu vois le résultat, c’est génial : ton produit est terminé, et surtout, tu vois le message que tu veux faire passer. »
Pour lui, le message est au cœur de la démarche : le socle de son désir de création.
« Avec ce film, je voulais dire qu’il y a toujours cette petite lumière près de vous. Qu’il ne faut jamais arrêter de rêver. Qu’il n’y a pas d’âge pour rêver. Et dire à toutes ces personnes victimes : vous n’êtes jamais seules. »
L’ONIRISME EN BOUSSOLE
Grand rêveur, Percy porte un discours teinté d’un optimisme incorrigible.
« On est capable de tout. C’est sûr que dans la vie, tu vas rencontrer des problèmes mais rien n’est jamais perdu. Comme un ami m’a dit : « Qu’il y ait un tsunami ou un cyclone, tout est merveilleux ». Derrière les nuages gris qui ornent le ciel, le soleil rayonne. »

Et ses songes le guident à chaque pas.
« J’aime beaucoup tout ce qui est touche au rêve, à l’imaginaire. Les légendes, je trouve ça beau, parce qu’elles parlent un peu de la réalité et donnent une certaine morale ou t’emportent vers un imaginaire légendaire. Par exemple, un homme qui se transforme en tumu ’uru, une femme qui va sur la Lune avec son va’a et devient la déesse de la Lune… »
UNE JEUNESSE EN QUÊTE D’IDENTITÉ
Membre d’une génération en chasse de réappropriation culturelle, Percy se désole de cette baisse de transmission.
« Durant le colonialisme, la culture et la langue étaient rendues taboues. Il y a eu une perte de transmission, mais aussi je pense qu’il y a eu aussi un certain rabaissement de la part de nos aînés envers notre génération. »

Selon lui, beaucoup de jeunes se détournent des traditions et peu parlent leur langue, par peur du jugement des anciens.
« La culture ne se perd pas, elle évolue. On a tendance à penser qu’elle est un bloc qui doit rester figé dans le temps. Mais pour moi, non : la culture, c’est quelque chose qui bouge continuellement. Pour la langue, Il faut corriger et aider au lieu de juger. Apprendre et transmettre pour qu’on puisse à notre tour faire de même avec les prochaines générations. »
Fervent défenseur de son temps autant que de son héritage, Percy Neagle est persuadé que sa génération sera celle de la réconciliation, pour former un patrimoine qui respecte celui d’antan, tout en regardant vers l’avenir.
« La transmission de notre culture, on va l’adapter à notre ère. Qu’est-ce que la jeunesse peut apporter ? Montrer que la culture peut évoluer de façon positive, la faire rayonner avec les outils de notre époque. »


Rédactrice
©Photos : Cartouche Louise-Michèle et Percy Neagle pour Hommes de Polynésie
Directeur des publications : Yvon Bardes