Patrice, âme marquisienne et grand homme de sa culture
Le regard profond, le sourire simple, le visage curieux, le corps tatoué, Patrice est une figure connue et reconnue d’Hiva Oa en tant que porteur de la culture marquisienne. Agent pour une entreprise de concession de production et de distribution d’électricité, fier de son travail et son équipe, il porte avec conviction et humilité, les valeurs de sa culture. Hommes de Polynésie l’a rencontré.
Héritier de la culture
Patrice ou Va’atete Kaimuko, prénom qui signifie celui qui part, est né à Hiva Oa d’une fratrie de 8 enfants. Il reçoit l’enseignement de son grand-père et de sa mère qu’il considère comme la gardienne de la tradition. Aujourd’hui âgée de 92 ans, sa mère lui a appris la valeur de la transmission.
« Ma culture se trouve dans la danse, dans les repas, dans la tradition… Je suis héritier de mon grand-père et de ma mère. Transmettre ma culture est un honneur, un droit et un sens dans ma vie. »
Chef de groupe de danse, longtemps président de l’association culturelle pour les Marquises, Patrice fait partie des fondateurs qui ont organisé le premier festival des Marquises.
« Je suis 4ème adjoint au maire en charge de la culture… Aujourd’hui, dans la tradition marquisienne, c’est ma mère qui est la détentrice de la culture en tant que doyenne de notre communauté. »
Le mode de transmission de la culture aux îles Marquises étant la tradition orale, l’apprentissage se fait au contact des anciens, détenteurs des savoirs.
« Je suis son héritier et j’ai déjà transmis à mon fils Humu, le bâton qui symbolise la culture car il représente l’avenir… Transmettre de générations en générations, c’est le propre de notre culture. »
Ce devoir de transmission, Patrice le fait cohabiter avec son travail.
Son travail, sa fierté
Patrice commence sa carrière professionnelle en 1977 à travers des petits contrats pour la commune. Concasseur, puis électricien, il évolue jusqu’à obtenir un contrat à durée indéterminée à la commune. Il connait le privé quand la concession d’électricité est confiée à plusieurs entreprises spécialisées dans ce domaine.
« Les gens me connaissent sous mes deux casquettes, électricien et la culture. Pour moi, c’est normal, j’ai toujours vécu comme ça, entre mon travail et ma culture. »
Patrice a appris à programmer son agenda en fonction des événements culturels pour essayer de répondre aux demandes, mais il reste fidèle à son entreprise.
« Quand je ne peux pas faire quelque chose pour mon groupe, je leur en parle car le travail, c’est important. »
Rempli de gratitude pour l’entreprise qui l’emploie, Patrice est clairvoyant sur l’équilibre essentiel entre culture et travail.
« Ma vie, c’est mon travail, pour ma famille. Il vaut mieux avoir un travail, une famille en premier puis ensuite s’impliquer pour sa culture. Le plus important dans la vie, c’est l’équilibre entre travail et famille. »
Faire rayonner culture et travail
Quand Patrice arrive sur le site archéologique d’Upeke que ce soit en tenue de travail ou en tenue traditionnelle, il ressent profondément son lien au me’ae1. Lui qui se sent gardien du site, accueille volontiers les visiteurs qui se présentent aux tuhuna2 et au site.
« Ce site est le plus important des Marquises, il est plus grand que Taputapuatea. Je suis content que mon entreprise participe à l’électrification de notre vallée, ça valorise ce site sacré aux yeux des visiteurs qui viennent jusqu’aux Marquises. »
Lui qui voit la retraite s’approcher souhaite aussi passer le relais.
« Je m’entends bien avec les jeunes qui ont rejoint notre équipe. J’espère passer le flambeau de mon métier à un jeune, peut-être à un de mes enfants, qui sait… L’important, c’est d’enseigner les valeurs qui font notre culture et surtout, celles qui font la vie, comme le travail. »
1 Me’ae : plateforme construite en pierres sèches où se déroulait le culte ancien, associé souvent à des cérémonies à caractère social ou politique.
2 Tuhuna : désigne à la fois les anciens et les référents dans la culture marquisienne.
Céline Hervé Bazin
Rédactrice web
© Photos : Céline Hervé Bazin