
Mark Eddowes, l’âme des pierres sacrées de Polynésie (1/2)
Des îles Cook à l’Île de Pâques, en passant par tous les archipels polynésiens, l’archéologue Mark Eddowes a roulé sa bosse. Passionnant, il nous raconte son parcours, nous parle de ces pierres sèches, soigneusement posées les unes contre les autres, qui étaient enduites de mono΄i et qui brillaient sous les rayons du soleil. Une splendeur ancestrale qui le passionne, qu’il restaure et qu’il partage avec Hommes de Polynésie.
Des racines maories, à l’origine de tout
« J’étais aux îles Cook en train de travailler sur les marae, lorsque mon professeur m’a dit : “Mark, la semaine prochaine, tu veux aller à Tahiti pour étudier les marae?” C’était une chose impensable à l’époque pour les Néo-Zélandais, parce que la France avait ses propres spécialistes. J’ai dit oui, et la semaine d’après, j’étais dans la vallée de Papenoo pour réaliser des explorations avant le projet de développement hydroélectrique. »
C’est comme ça qu’en 1985, Mark Eddowes, alors étudiant en maîtrise d’anthropologie à l’université d’Auckland, débarque à Tahiti. Il a 25 ans et se retrouve à explorer plusieurs sites de la vallée et à y dormir avec son équipe.
« J’y suis resté trois ans ! L’archéologie, c’est grâce à mon arrière-grand-mère qui était de la tribu Ngāti Hei au Coromandel. J’étais très imprégné par tout ça. Quand j’étais petit, dans les réunions familiales, j’étais le seul Blanc aux yeux bleus ! J’étais un peu gâté par ma mamie, et toute cette culture ancienne me passionnait… »

Les marae de la vallée de Papenoo s’avèrent être un sujet parfait pour la thèse du jeune apprenti et ses relations sont facilitées dans la mesure où il parle le maori, une langue polynésienne.
Maeva Navarro, directrice du Département archéologie du Centre Polynésien des Sciences humaines, lui propose de rester au sein de son équipe. Depuis, il n’est jamais reparti.
Des voyages lointains et toujours, la pierre
Plus jeune, grâce à son papa médecin, Mark voyage beaucoup, habite un temps à Malte, y contemple les temples de l’époque néolithique, dédiés au culte de la déesse-mère. En Égypte et au Liban, il découvre des structures ancestrales incroyables.
« La pierre, c’est universel et c’est millénaire ! Ici, j’adore étudier l’archéologie des marae : comprendre comment sont posées les pierres, comme à Ararurahu1, avec les pierres à bosses, arrondies… »


La technique d’architecture de pierres sèches
« Dans un marae, c’est hyper calculé, parce que sinon ça bascule. On ne peut pas juste prendre une pierre qui est ronde et en mettre deux, côte à côte. Ça ne marche pas du tout comme ça ! Il faut regarder comment c’est taillé, pour en trouver une qui est semblable. C’est assez complexe. »

Ce qui le motive, c’est étudier la différence des croyances des êtres humains, discerner les symbolismes d’une construction par rapport à son environnement, comprendre le pourquoi et le comment, et pouvoir établir des comparaisons entre les sites qu’il a explorés ici et ailleurs.
« Nous avons restauré le marae To’omaru2. Comment expliquer sa situation ? Le fait que derrière, dans l’alignement, il y a une falaise de presque 500 mètres avec des cascades ? Ce n’est pas un hasard… On dit qu’aux temps anciens, la pluie est la semence du dieu Tane, le dieu de la fertilité. En plus, en face, il y a un piton rocheux, la “crête des ossements des ancêtres”, avec des grottes funéraires. Tout ça est lié aux croyances, selon lesquelles les ancêtres veillent sur la tribu à laquelle appartient le marae, et encouragent l’accroissement de la fertilité au travers de la pluie de l’ancêtre du ciel. Parce que le dieu Tane fait fondre la terre, parce que la terre est femelle. Tout ça, c’est fascinant… »
À Moorea, le Sentier des ancêtres et ses sites sacrés n’ont pas de secrets pour lui.
« C’est mon professeur de l’université d’Auckland, Roger Green, qui l’a découvert dans les années 1950, et qui était le premier archéologue à y travailler. Ensuite c’est Yoshi Sinoto, le fameux archéologue japonais de Hawaii, qui y a effectué beaucoup de recherches. En 2012, j’ai travaillé avec Paul Niva sur le marae Te-ahu-o-Mahine3 avec le gradin et puis, en 2016, j’ai travaillé avec mon équipe sur le marae Afareaitu4. »

¹ Marae Arahurahu : site archéologique restauré dans la vallée de Tefa’aiti à Paea
2 Marae To’omaru : situé à Vaiotea dans la vallée de Papenoo
3 Te-ahu-o-Mahine : situé sur le parcours du Sentier des ancêtres à ‘Opunohu, Moorea
4 Afareaitu : situé sur le parcours du Sentier des ancêtres, à ‘Opunohu, Moorea
Rédactrice
©Photos : Cl Augereau et Mark Eddowes pour Hommes de Polynésie
Directeur de publications : Yvon Bardes