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Art & Culture

Laurent : « Je suis un privilégié de la musique »

Publié le 27 juin 2019
Ni son nom, ni son visage ne vous sont familiers, et pourtant il fait partie d’une émission phare de la musique locale : « Studio Live Sessions ». Laurent Longubardo est ingénieur du son. Il y a 6 ans, il a troqué sa Marseille natale pour Tahiti. Un rêve de « gamin » qu’il concrétise après 22 ans de carrière autour du monde. Hommes de Polynésie a branché son magnéto pour capter un peu de sa mémoire.

MOANA

C’est un homme à l’allure singulière qui nous reçoit dans son studio à Papeete, cette capitale dont il n’aurait jamais imaginé fouler un jour le sol. C’est l’appel de son ami Moana (1) qui le fait venir à l’autre bout de la Terre. Ensemble ils composeront un album rendu célèbre par le titre « Ia ora na ».

« On s’est rencontré à Marseille. Il était stagiaire au studio, mais il m’a marqué. Je m’étais même dit que je me verrais bien travailler avec lui! »

Dire qu’ils étaient sur la même longueur d’onde serait exagéré, Laurent préfère parler de dynamique commune.

« Je fais les choses sans forcément penser à l’argent, mais plutôt à la dimension artistique, voire humanitaire des projets.»

La phrase de Moana « Voudrais-tu venir m’aider à finir mon album ? » a sonné le glas de son activité à Marseille. Le temps de faire sa valise, le voilà à Tahiti. C’était en Décembre 2013. Avec cet album, il signe son grand retour en tant que compositeur. Celui qui avait jusqu’ici privilégié la technique à la composition revient à son premier amour.

« J’ai commencé en tant que musicien avec le piano. Ma mère écoutait la radio, mon père pas du tout, et Martine, une tante mélomane qui sortait avec des musiciens, m’a donné le déclic. Elle m’a amené voir à 14 ans un « vrai » concert, celui de Miles Davis, et ça été le coup de foudre. »

Il se met au diapason et forme un premier groupe avec des copains. Premières répétitions, il commence par le clavier avant de passer au saxo. Mais pour ses parents les choses sont claires: « les études d’abord ». Alors une fois le Bac en poche, il s’offre une petite année sabbatique pour suivre en coulisses, grâce à sa tante, la vie trépidante de musicien.

« Je voyais le travail que ça impliquait, et j’apprenais beaucoup au contact de l’ingénieur du son. »

DE MUSICIEN A TECHNICIEN

Mais une fois le curseur aventure enclenché, tout ne se déroule pas toujours comme on le voudrait.

« Il faut beaucoup jouer, enchaîner les répètes, les groupes. Ce n’était pas évident. »

Comment se distinguer de la masse ? Pour Laurent, c’est avec la musique par ordinateur. Nous sommes en 1997, le jeune musicien monte un petit studio qu’il partage avec un ami. Laurent le musicien devient officiellement Laurent l’ingénieur du son, et met son oreille musicale au service de la musique des autres.

« L’ingénieur du son en studio, c’est vraiment un musicien supplémentaire. Il ne doit surtout pas s’approprier le morceau qu’il est en train d’enregistrer ! »

Un principe qu’il applique jusque sur les plus grandes scènes de spectacles, où il enchaîne concerts et festivals.

Ce choix de vie implique d’être sans cesse sur les routes. En Europe, Laurent faisait jusqu’à une centaine de dates par an. Il travaillait aussi bien pour de grands événements de 10 000 personnes que pour des soirées privées. Il reste marqué par certaines scènes, comme celle où il était avec sa table de mixage, au-dessus d’une foule à perte de vue.

Il commençait le jeudi et finissait le lundi « Mardi et mercredi c’était week-end ». Tournées et enregistrements rythmaient sa vie professionnelle, et dans le milieu il valait mieux faire preuve de sérieux pour ne pas passer pour des « guignols ».

C’est ainsi qu’il a pu collaborer avec des pointures, comme les Jamaïcains de «Mighty Diamonds» – un des groupes mythiques de Reggae des années 70 avec leur album «Right Time».

« Quand tu vois des papis qui ont 40 ans de carrière, qui se présentent à toi en toute humilité, en te disant : « Bonjour je suis Tobby, le chanteur des Mighty Diamonds », c’est assez impressionnant, ils ont bercé mon enfance ! C’est des écoles ces gens-là, et travailler pour eux, c’est juste WOUAH! Et à côté de ça, j’ai travaillé avec des artistes qui avaient fait deux ou trois albums et qui avaient un melon énorme.»

La longévité dans ce milieu ne se mesure pas au nombre d’albums sortis ou aux contacts dans son répertoire, mais à la façon dont on se renouvelle.
« Tu ne fais pas un morceau en te disant qu’il va marcher, tu dois faire attention à qui tu t’adresses. Tu peux facilement partir dans tout et n’importe quoi »

Pour Laurent, il n’y a pas de recette miracle, c’est « comme en cuisine : il faut trouver le bon ingrédient et le juste dosage pour que cela fonctionne ! Pour moi le resto qui a une bonne carte, c’est Goldman. Même s’il a un beau menu il est capable de se renouveler !»

AU SON DU FENUA

Aujourd’hui Laurent a mis sa carrière entre parenthèses, et après 5 ans d’allers/retours entre la métropole et Tahiti, il finit par poser définitivement ses valises et sa table de mixage en septembre dernier.

« Ça fait du bien aussi d’avoir une petite routine, le genre de choses que tout le monde déteste, moi je ne cherche que ça ! Je suis heureux de vivre ici pour les gens et leurs sourires. Pourtant, beaucoup sont dans la galère, voire la misère, mais ils ont la joie de vivre. »

Et croyez-le ou non, mais Laurent s’est beaucoup documenté sur ce bout de roche volcanique perdu au milieu de l’Océan Pacifique et sa douceur de vivre. Il s’est plongé dans le Tahiti des temps anciens pour s’imprégner de sa culture, et a dévoré tous les livres qu’il trouvait sur le sujet.

« Les légendes m’ont fasciné, comme la mythologie grecque quand j’étais enfant. Même la culture du quotidien m’a passionné – la gestion des ressources, sans fer, ou le Rahui – je trouve ça super moderne, et que cela revienne avec la permaculture ici – c’est essentiel ! »

Avec Moana (1) et Charlie (2), voici donc le troisième membre d’une équipe d’énergumènes, suffisamment touche-à-tout pour être force de propositions, animés par cet esprit où rien n’est impossible ! Rajoutez-y le Mana et vous pouvez aisément imaginer le potentiel de ce trio. Laurent, c’est à Moorea qu’il a ressenti pour la première fois la vibration polynésienne, quand il s’est retrouvé sur ce que l’on appelle un « endroit sensible aux énergies magnétiques de la Terre » : « Un mètre carré au travers duquel on sent des choses ».

Dans quelques années, Laurent se verrait parfaitement former des jeunes passionnés de musique aux métiers du son, idéalement à Tautira. « Quand j’arrive au bout de la route et que je m’assois sur les cailloux, j’ai cette sensation d’être au bout de la Terre, je pourrais rester là toute la journée. ». Après le travail, il se rendrait dans son fa’aapu et profiterait de la vie. « Profiter de la vie », c’est le meilleur conseil qu’il pourrait donner aux Hommes de Polynésie.

Sans être du genre à regarder dans le rétroviseur, Laurent fait son bilan en toute humilité : « J’ai réussi à faire ce que j’aimais avec des gens que j’ai connus à mes débuts, et rien que ça, c’est une victoire. J’ai eu la chance d’être au bon endroit au bon moment. Aujourd’hui je fais le métier que j’aime dans un endroit que j’ai choisi. C’est bien plus qu’un rêve qui se réalise. »

1 Lire le portrait « Ia Ora na » Moana !

2 Lire le portrait de Charlie, alias « Didjelirium »

Jeanne Phanariotis
Rédactrice web

© Photos : Laurent Longubardo

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