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  • Yann Paranthoën, Tonnerre de Brest!

Art & Culture

H. T. J, histoire de graffeur!

Publié le 19 février 2019

Il est l’un des artistes contemporains du fenua parmi les plus talentueux. HTJ (abréviation de Hell Ton John) a su construire une œuvre aussi originale que populaire dont certaines pièces murales peuvent être admirées dans les rues de Papeete. Il raconte son parcours à Hommes de Polynésie

LE PETIT JOHN ARRIVE A TAHITI A L’AGE DE DEUX ANS

C’est pour des raisons professionnelles que les parents de John arrivent à Tahiti alors qu’il n’a que deux ans. Il vit son enfance et son adolescence en Polynésie.

« j’étais un élève turbulent qui ne pensait qu’à surfer »

John a fait sa scolarité au lycée Gauguin et confesse qu’il a été turbulent. Il est viré de l’établissement après la seconde, et s’oriente vers un CAP de bijouterie, motivé par le fait qu’il adore dessine. Et d’ailleurs, très vite, il applique sa passion du dessin au surf et se met à peindre au marker des motifs sur des planches et des boogies. C’est à cette époque qu’il réalise ses premiers tags sauvages sur des murs.

« je baignais dans un univers graphique fascinant, bercé par la musique punk et metal californienne »

Avec les ingrédients que composent le surf, le skate et la musique, John se fabrique un univers personnel qu’il ne cessera jamais d’explorer, et dans lequel il intègre, en plus, des motifs issus de la culture polynésienne qui ont marqué son enfance.

LE TEMPS DES ETUDES

Le dessin c’est sa voie et John part en métropole, aidé par le passeport mobilité, pour intégrer une école de graphisme, et de design. Il découvre et explore le courant du graphisme suisse, et celui du Bauhaus. Au bout de cinq années, il décroche son diplôme d’études supérieures en communication visuelle et design graphique.

« je rentre à Tahiti en 2008, avec mon diplôme en poche et l’envie de mettre mes acquis en pratique mais aussi surfer »

Revenu au fenua, le talent de John s’exprime au travers de différentes agences de communication. Il travaille sur des commandes de logos, d’identité visuelle.

« je fais ma première expo à la salle Muriavai de la maison de la culture »

Au fur et à mesure, John se rend compte qu’un travail à temps plein ne lui convient plus : il a besoin de temps pour développer ses propres créations. Il décide alors de se mettre à son compte.

C’est à partir de ce moment que John sera connu sous le nom de Hell Ton John, jeu de mots qui s’explique par son prénom, son surnom (Ton) et le « hell » pour évoquer l’univers metal qu’il affectionne. Aujourd’hui, on l’appelle aussi simplement HTJ, son nom d’artiste.

Car HTJ veut désormais se consacrer davantage à l’Art et un peu moins au graphisme. Il continue à faire de l’identité visuelle ou du packaging pour des marques, mais, petit à petit, son œuvre se développe et se construit, depuis sa première expo à la salle Muriavai, qui lui permet de présenter des planches de surf peintes à un public très réceptif.

« mon processus de création évolue, je tente des choses, j’expérimente, je prends des risques et j’avance un peu à la one again »

HTJ explique qu’il aime mettre des coups de pieds dans la fourmilière de l’art. Il explore en s’amusant. La création artistique peut être le résultat de hasards et d’accidents au fil des essais. Comme lorsqu’il utilise la fissure d’une planche de surf pour créer, en plus du graphisme de la surface, un élément en 3D sculpté dans la mousse intérieure de la planche. Et puis il y a des détournements comme lorsqu’il représente des tikis cyclopes.

L’EPOQUE ONO’U

HTJ ne veut pas parler du festival Ono’u et nous respectons son souhait. Cependant, il est impossible de ne pas évoquer une des façades les plus célèbres qu’il a réalisé avec le grapheur Seth, cette fameuse petite fille recroquevillée sur un fond rouge à motifs blancs dans le quartier du lycée La Mennais. Le fond et les motifs sont l’œuvre de HTJ, avec, si l’on regarde bien parmi les motifs classiques de pareo, le signe de la bombe atomique et un code wifi… petits encarts contemporains dans l’iconographie traditionnelle polynésienne.

Parmi les œuvres les plus voyantes et remarquables il y a aussi la fresque de l’immeuble Ia Mana Te Nunaa avec une façade divisée en deux permettant à HTJ de représenter une tête de tiki avec deux moitiés différentes symbolisant « que même dans l’ère du numérique la culture polynésienne perdure »…

Un travail réalisé avec l’aide matérielle de la TSP, Enviropol et Technival. Et puis, plus récemment, l’immense fresque multicolore réalisée avec l’aide pays, le symbole du drapeau polynésien, au rond-point Jacques Chirac, œuvre réalisée avec Cronos, sur de la tôle ondulée, qui n’est pas le support idéal, mais dont l’effet est aussi saisissant que spectaculaire.

« Aujourd’hui, nous avons monté une association d’artistes et nous sommes aidés par le pays et notamment Heremoana Maamaatuaiahutapu que je tiens à remercier »

A l’international, HTJ se fait aussi un nom et a exposé à Hawaii en 2016, un festival à San diego en 2017 et une exposition sur Paris en 2018 au Musée des arts et métiers. Le quotidien actuel de notre jeune artiste c’est aussi le partage puisque, au travers de son association HAMANI LAB.

Il a permis à plusieurs artistes de se réunir pour créer ensemble dans un local spacieux à Tipaerui, gracieusement mis à la disposition de l’association par le pays et notamment Heremoana Maamaatuaiahutapu, ministre de la culture très actif, que HTJ tient à remercier, et qui, c’est vrai, a fait beaucoup pour les artistes locaux en créant un statut et une carte d’artiste professionnel. Un grand local qui lui permet d’envisager des œuvres immenses, comme, en ce moment, des toiles de 2 mètres sur 3.

LES PROJETS DE HTJ

Alors que l’on peut régulièrement admirer les créations de HTJ à la galerie Winkler, chez Vaiana Drollet, on n’a pas fini d’entendre parler de lui et ses collègues graffeurs dans les mois qui viennent, notamment avec une exposition de bennes de camions qui ont été décorées et qui se regrouperont pour former un happening original.

Et à cette occasion HTJ est très reconnaissant et tient à conclure notre entretien en remerciant certaines grandes entreprises qui font confiance aux artistes locaux et ainsi leur permettre de s’exprimer. Allez découvrir les travaux de HTJ si, par extraordinaire, vous ne la connaissez pas encore : c’est aussi original, moderne et pétillant qu’envoûtant et séduisant.

Laurent Lachiver
Rédacteur web

© Photos : HTJ

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