
Evrard Chaussoy, rendre justice aux artistes
Peintre et sculpteur bien connu du grand public, Evrard Chaussoy n’en est pas à sa première apparition. Si Hommes de Polynésie décide de revenir interviewer cet artiste chevronné, c’est car ce dernier n’a pas fini de nous étonner. Nouvelle rencontre avec un créatif aux idées larges, et à la langue bien pendue.
LES PRÉMICES D’UNE VIE COLORÉE
Evrard Chaussoy naît à Raiatea dans une famille d’artistes.
« J’aime cette île. Je me sens polynésien, d’origines chinoises. »
Dès l’enfance, il se fait remarquer pour ses aptitudes en dessin et en peinture.
« Je n’ai fait que ça toute ma vie. Tout m’a amené à ce que ça devienne ma passion. »
Poussé par les adultes qui l’entourent, il rejoint très vite l’entreprise familiale, Arii Creation. Aux côtés de son père, il aiguise son sens des lignes, des courbes et des couleurs. Encouragé par ce dernier, il se met également à exposer ses travaux.

« Pendant des années, j’ai mal vécu ces moments de reconnaissance. Je ne me sentais pas artiste. »
Le jeune homme monte sa propre boîte de création d’enseignes dans les Raromatai. Chef d’entreprise, il perd peu à peu son lien avec la créativité intime, et n’a plus le temps de peindre pour lui.
LA VISION D’UNE ÂME CRÉATIVE
Mais Evrard Chaussoy le sait au fond de lui, il est fait pour peindre. Vient alors le moment de poursuivre ce rêve intergénérationnel.
« Je suis le dernier Chaussoy qui peut encore peindre, et je ne le faisais plus. »
Il se remet alors à son chevalet, dépoussière ses toiles vierges pour les remplir de son imaginaire et de ses convictions.

« Quand j’ai commencé à dessiner et peindre étant jeune, j’étais plus intéressé par le perfectionnement technique. Mais plus aujourd’hui. La technique doit intervenir au service du message, c’est tout. »
Sensible à la cause environnementale, passionnée par la Polynésie et sa culture, le peintre transforme ses tableaux en prises de position.
« Pour moi, l’art, c’est un moyen d’expression. Un artiste, c’est quelqu’un qui dit des choses. Si tes phrases sont belles mais qu’elles sonnent creux, je ne trouve pas cela intéressant. Ces dernières années, je cherche surtout à mettre de mon histoire dans mes tableaux. Aujourd’hui, je me sens vraiment artiste. »
LA PÉRAMBULATION D’UN ESPRIT CURIEUX
C’est en 2018 que Evrard se consacre essentiellement à ses créations, la peinture et la sculpture.
« Tous les artistes ont cette crainte, peu sautent le pas. Mais, je crois qu’il faut au moins essayer. »
Chanceux, il est soutenu par ses proches, qui croient en lui.

« Je suis le mari d’une femme merveilleuse et le père d’enfants formidables. »
En 2023, il est sélectionné parmi une pléthore d’autres candidats pour participer à la résidence de la Cité des Arts à Paris, qui regroupe près de 300 artistes du monde entier.
« Tout est fait pour que ce lieu soit propice à la création, c’est incroyable. Tu rencontres beaucoup de gens. »
Dans cet épicentre de confluences artistiques, Evrard Chaussoy élargit ses horizons, affine ses connaissances.

« C’est là-bas que je me suis renseigné sur la propriété intellectuelle. »
LE COMBAT D’UN ARTISTE ENGAGÉ
À son retour en Polynésie, il réalise de manière empirique que le droit de suite1, qui permet aux artistes de bénéficier d’une rémunération lors de la revente de leurs créations (à environ 4% selon les conditions) par un professionnel du marché de l’art, n’est pas respecté.
« Il est pourtant inscrit dans la loi et devrait être appliqué. »
Selon Evrard, ne pas prendre en compte ce droit, c’est non seulement être dans l’illégalité, mais également mépriser le travail des artistes.

« Respecter ce droit c’est respecter l’artiste, respecter son œuvre, son héritage, lui rendre justice. C’est la loi qui le dit.»
En effet, s’il est déjà compliqué de vivre de ce que l’on crée, il est encore plus difficile de profiter du succès de ses œuvres si cette loi n’est pas considérée comme inaliénable.
« Ce n’est pas pour moi que je le fais, c’est pour toute la communauté artistique que je mène ce combat. »
Evrard Chaussoy a plus d’une revendication à fournir au public et aux institutions. Ce qu’elles ont en commun ? Elles viennent d’un lieu de bienveillance, et il n’en ressortira que l’unité et le respect de chacun.

Rédactrice
©Photos : Evrard Chaussoy pour Hommes de Polynésie
Directeur des publications : Yvon Bardes