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Art & Culture

Teva, l’homme qui murmure à l’oreille des pierres

Publié le 6 février 2018

Teva Victor est sculpteur sur pierres. Artiste incontournable du fenua1, il dessine depuis son enfance et a appris à sculpter sur bois à l’adolescence. Autodidacte, c’est au contact de la pierre qu’il s’est révélé. Rencontre avec un artiste à l’écoute des pierres et de leur mana.

À la rencontre des pierres

Depuis son enfance, Teva a toujours dessiné. A l’adolescence, il apprend ses premières techniques de sculpture avec un ami. Il teste des outils, des formes, des matières. Un jour, il rencontre la pierre. Autodidacte avec de la magie dans les mains, il se met à tester différents outils, « un travail long et fastidieux qui m’a pris beaucoup de temps. » Il ressent l’appel des pierres et persévère.

« À partir du moment où j’ai compris que je pouvais utiliser des techniques similaires à celles utilisées pour le béton, ça s’est libéré. »

Teva découvre un monde rempli d’émotions. 

« Chaque étape est différente. Au début, il faut dégrossir. Il faut persévérer pour faire émerger un visage, un regard… Quand on commence à avancer sur ce filon-là, c’est l’envie d’aller plus loin et la découverte qui prennent le dessus. On fait connaissance avec la pierre… C’est un vrai moment de bonheur. »

La pierre, une pierre qui vit

« Je crois à une forme de vie en toute chose. »

Cela s’apparente à cette énergie sacrée, celle qui se vit en Polynésie… Le mana2.

« Le mana, c’est très fort pour moi, déjà parce que je suis des îles. »

À Bora Bora, où Teva a grandi, le mana est cette force invisible et omniprésente. Il raconte qu’avant, les habitants ne vivaient pas sur les motu, ils y allaient seulement pour travailler. Le soir, la terre appartenait aux esprits et aux moustiques ! « Le mana est très chargé sur les îlots. » Ce mana s’exprime également à travers les pierres de marae3, lieu sacré et héritage de nos ancêtres.

« Tout Polynésien qui se respecte sait que l’on ne bouge pas une pierre d’un marae. Chaque pierre est chargée d’une intention. Cette intention, c’est ce qui fait la force et la vie de chaque pierre, c’est ce qui fait qu’on doit la respecter. »

Se présenter à la pierre, un rituel essentiel

Avant de choisir une pierre, Teva développe une relation particulière avec elle. Tout d’abord, il l’a choisie visuellement. Il s’intéresse à sa matière, sa masse, sa forme et à ce qu’elle dégage. Teva travaille sur des pierres de toutes les tailles… L’important pour lui, c’est de ressentir l’énergie de la pierre. Quand il a trouvé son bonheur, il se présente à la pierre. 

« Avant de déplacer un roc, je vais lui demander s’il est d’accord, je vais lui demander si nous pouvons travailler ensemble. C’est un partenariat. » 

Cette demande, Teva la formule tous les jours pour s’assurer que le travail se fait en collaboration avec cette roche qui a vécue et qui a sa propre personnalité… Il arrive que la pierre refuse, se mette en recul et pour Teva, cela signifie qu’il doit s’arrêter, écouter et réagir en fonction des émotions qui s’expriment. 

« Si le plaisir est étouffé, je vais le respecter. Je visualise mon travail pour m’assurer que c’est un plaisir mutuel. »

Quand la pierre prend son nom

Au fur et à mesure de son travail, la personnalité de la pierre émerge. Une texture granuleuse, un relief poli, un détail au toucher… Teva veille à ce que son travail dévoile qui est cette pierre. Lui qui réalise essentiellement des visages, s’attache particulièrement à ce qu’elle exprime son identité. C’est pour offrir cette expérience que Teva met toujours ses pierres sur des structures amovibles, elles permettent à chacun de tourner autour de la pierre, de caresser ses parois et s’approprier les différentes matières qui la constituent. Teva attend la touche finale pour donner un nom à son œuvre, une étape importante pour finaliser le partenariat entre la pierre et lui. 

« Le mana de la pierre est présent tout au long de la création. En lui donnant un nom, notre travail prend tout son sens. »

1 Fenua signifie « territoire », « terre », « pays » (ou souvent « île ») en tahitien. Il a la même signification en wallisien et futunien. Il désigne donc : Tahiti et les îles avoisinantes pour les Tahitiens. (Source : Wikipédia)
2 Le terme mana désigne un concept polynésien que l’on retrouve sous différentes appellations dans d’autres peuples. La notion de mana, fondation de la magie et de la religion, est l’émanation de la puissance spirituelle du groupe et contribue à le rassembler. (Source : Wikipédia)
3 Un marae (en Maori de Nouvelle-Zélande, des îles Cook, et en tahitien), malaʻe (en tongien), malae (en samoan et en hawaïen), est un lieu sacré qui servait aux activités sociales, religieuses et politiques dans les cultures polynésiennes précédant la colonisation.

Céline Hervé Bazin
Rédactrice web

© Photos : Céline Hervé Bazin

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