Guillaume Machenaud, ouvrier de la matière
C’est au fond de la vallée de Tipaerui que nous nous rendons aujourd’hui. Là où végétation dense et zone industrielle se confondent et s’épousent, Hommes de Polynésie rencontre Guillaume Machenaud, sculpteur sur pierre.
BÂTIR UNE CARRIÈRE PAR PASSION
Guillaume Machenaud est originaire de Tahiti. La sculpture lui apparaît rapidement comme une évidence.
« Je pense qu’on a tous un rapport à la sculpture quand on est petit, avec la pâte à modeler par exemple. Chacun a une manière de s’exprimer avec la sculpture. »
Après avoir obtenu son bac dans la filière STD2A1 au lycée Samuel Raapoto, il s’envole pour Paris où il passe deux ans dans une école d’Arts appliqués. Mais le mal du pays le gagne, et son père lui propose de revenir sur l’île qui l’a vu grandir.
« J’avais envie de gagner un peu d’argent, d’être plus autonome, alors j’ai postulé chez Lou Pescadou, où j’ai travaillé pendant trois ans. C’était vraiment un taf alimentaire. »
Malgré un bagage académique conséquent dans le domaines des arts, Guillaume ne se sent pas encore prêt pour vivre de sa création. Il réussit le concours du Centre des Métiers d’Art, et retrouve les bancs de l’école. C’est là qu’il fait la connaissance de Jonathan Mencarelli.
« J’ai eu la chance d’être intégré à un projet vraiment passionnant ! Après ça, je suis allé deux mois à Ua Pou. J’ai ramené des blocs de pierre fleurie et je peux dire que c’est là que ma carrière artistique a vraiment commencé. »
Diplômé du CMA et désormais détenteur de sa carte d’artiste, Guillaume Machenaud est en route pour graver sa propre destinée.
UN RÊVE D’EMPREINTE
« L’approche que j’ai, c’est de faire une mémoire commune au vivant. »
Semblables aux artéfacts d’une époque révolue, les sculptures du jeune créatif ont ce qu’il faut de mysticisme pour incarner notre temps dans un avenir proche ou lointain.
« J’ai un peu ce fantasme d’une religion qui se créerait chez un peuple futur qui découvrirait mes sculptures. »
L’ÉTERNEL FUGACE
Créatures anthropomorphes ou animaux taillés dans la pierre, Guillaume Machenaud se plaît à varier les représentations.
« J’aime beaucoup les êtres vivants en général. La pierre, c’est un matériau immuable, il y a quelque chose de pérenne. Et le vivant, paradoxalement, c’est éphémère. »
Au cœur de son atelier trônent des dizaines de poissons taillés dans le roc. Intrigués, nous nous rapprochons de cette scène immobile grouillante d’écailles de granit, lorsque l’artiste nous confie sa fascination pour ce sujet.
« Ils flottent dans l’espace… Il y a un sentiment de tranquillité dans les poissons. »
Son prochain objectif : réaliser un lustre monumental qui regrouperait plus de 70 sculptures de fretins recouverts d’une peinture luisante.
DES ŒUVRES PÉTRIES DE TRADITIONS
Dans ce florilège de projets, Guillaume Machenaud tient tout de même à rappeler son attachement à la culture polynésienne. Discret, ce dernier se manifeste par touches de mythes et légendes.
« Ma première pièce s’inspirait de la légende de Nona. »
Et si son medium le pousse à créer des œuvres indéfectibles, il rend aussi hommage aux traditions oratoires.
« J’ai travaillé sur le tāhiri, le bâton de parole. Tout ce travail autour de la parole, je trouve ça hyper intéressant.»
À L’AURORE DE NOUVELLES HISTOIRES
Jeune artiste local, Guillaume se sait appartenir à une génération qui mêle savoir-faire ancestraux et modernité.
« On vit cette relance, nous sommes les vieux de demain. Mon professeur, Éric Ferré, m’a dit un jour : l’art, c’est en dents de scie. »
Entre revendication identitaire, création instinctive et quête de liberté, les artistes d’aujourd’hui sont ceux sur qui l’on écrira les livres de demain. Et le nom de Guillaume Machenaud figurera sans aucun doute entre ces pages.
« Nous sommes l’aube d’une nouvelle journée. »
« Je souhaiterais remercier l’équipe d’Hommes de Polynésie et particulièrement Cartouche pour votre travail. Je remercie également mes parents de m’avoir soutenu, Manutea Rambaud pour ses actions, le hamani lab de m’accueillir, le CMA de m’avoir supporté et Eric Ferré, pour tout. »
¹ sciences et technologies du design et des arts appliqués
Rédacteur
©Photos : Cartouche Louise-Michèle et Guillaume Machenaud pour Hommes de Polynésie
Directeur des publications : Yvon Bardes
