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Art & Culture

Pau : des années d’expérience mais la passion du Heiva comme au premier jour

Publié le 25 juillet 2023

Pau, qui prépare le Heiva et qui nous en parle comme de son bijou le plus précieux, rien qu’avec les yeux. Il danse depuis une vingtaine d’années, il a déjà remporté quelques prix, mais il a toujours dans son regard la candeur des commencements.

Le travail dans la passion

Nous l’avons vu à l’œuvre à plusieurs reprises, il est plutôt à l’aise avec son corps, un corps affaibli mais qui baigne dans l’insouciance dès les premières notes du to’ere

« Pour être le meilleur danseur, il faut avoir l’endurance, être mentalement préparé et motivé. Le meilleur danseur doit se donner les moyens de performer. »

Il n’a d’ailleurs pas un physique ordinaire, son torse est dessiné, son sourire est large et laisse entrevoir ses dents écartées ; les dents du bonheur, paraît-il. Ses grands yeux bruns sont rieurs, parfois moqueurs lorsque j’essaie de rouler les R, son accent est chantant.
Nous lui posons beaucoup de questions, il ne nous interrompt jamais et se contente seulement de danser les réponses.

Pau a un métier très physique, il est souvent fatigué, mais rien ne l’empêchera de danser, et de mêler avec brio la grâce et la technique. Lorsqu’il exécute son Pa’oti par exemple, c’est toute sa culture qui est personnifiée à travers lui. Il ne se contente pas de mimer la virilité de ses ancêtres, il l’incarne. Par ses gestes précis et mesurés, par sa posture, par sa voix qui accompagne l’orchestre, par sa sincérité absolue.
Plusieurs fois, nous le sentons tracassé, au sortir de quelques répétitions, car ça ne s’était pas déroulé comme il le souhaitait. Nous pensions qu’il était perfectionniste, et que d’un rien, il en faisait un tout. Mais nous étions loin de comprendre ce que l’effet de groupe produisait sur lui, et le pourrait-on seulement?
En dansant, son inquiétude se mue en plénitude. À l’image du Pahu qui donne le rythme, il aime guider et mener ses troupes par son sourire enjôleur. Il nous dira qu’il faut être débrouillard, patient et inventif.

« Lorsque je pose le premier pied sur les planches de To’ata, le mot qui me vient c’est le respect. Je m’incline. »

La danse, un symbole de la culture

Le Heiva est pour lui, comme pour les autres, l’occasion de se montrer, de faire parler d’eux et de leur pays. Ils imaginent peut-être à tort que le reste de l’année nous ne leur prêtons que peu d’attention. Mais si seulement ils savaient ce que représente leur île pour nombre d’entre nous ; s’ils savaient que ce sont eux qui ont raison, et nous qui les admirons en secret.
Eux seuls savent gérer de concert l’euphorie et la discipline.
Il n’y a qu’à voir les touristes s’approcher, lorsque les premières notes de musique sont lancées, et les premiers pas de danse enclenchés. Personne ne résiste à ce tempo unique, à ces voix gutturales qui nous donnent des frissons et qui nous interdisent d’avancer. Qui osera dire le contraire ?
Chaque année, à la même période, le Heiva et les danseurs ont rendez-vous ; le Heiva se fait attendre, il ne laisse personne indifférent et ne se manque sous aucun prétexte. Rien ne pourra tarir cette tradition, car chacun est investi d’une mission de préservation et de transmission.
Il faut voir l’émotion qui passe à travers le dépassement de soi, à travers cette fraternité qui les lie. Le respect des autres, de leur environnement, et de leurs traditions en est presque culturel, intrinsèque. La bienveillance est leur essence.

« Il ne faut pas oublier que le Heiva, c’est d’abord un thème qui doit être minutieusement respecté. C’est ensuite un texte qui s’y adapte ; des gestes, des costumes, un orchestre et des instruments qui le reflètent. »

Ne faire qu'un avec le public

Cette année, il y a eu sur la scène de To’ata des grands costumes, des figurants, des danseurs, des chanteurs, des artistes, des tableaux vivants, dans lesquels chacun savait le rôle qu’il avait à jouer. C’est un peu comme si entrer dans la ronde leur avait permis de se reposer du cours du monde, le temps d’une soirée.
Il y a eu des centaines de personnes qui ont vécu cet instant comme le dernier, tout en sachant qu’elles seront encore là l’année d’après. Sous un ciel céruléen, il y avait ces soirs-là une telle émulation, une telle unicité, un véritable supplément d’âme dans ce lieu déjà mythique.

Venez, et vous comprendrez, comme ils disent, le Heiva se vit mieux que ce qu’il s’écrit.

Julia Urso

Rédactrice

©Photos : Julia Urso et Cindie Stn pour Hommes de Polynésie

Directeur des Publications : Yvon BARDES

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