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Art & Culture

Patu, à l’encre du fenua

Publié le 15 janvier 2019

N’est pas tatoueur qui veut ! Pour exercer ce métier, il faut en connaître l’essence. Celle du tatouage polynésien vient de Ta’aroa1. Un héritage divin qu’il faut manier avec précaution. Patu tatoue depuis l’âge de 11 ans. Il en a 32 aujourd’hui. Hommes de Polynésie a rencontré un héritier aussi singulier qu’attachant.

LE MONDE DE PATU

Nous retrouvons Patu sur son lieu de travail… à Mama’o. Son carnet de commandes ne désemplit jamais et l’on vient des quatre coins du monde pour se faire tatouer ici. Il suffit de patienter dans le salon d’accueil pour le constater. On y parle japonais, anglais et paumotu. On comprend en promenant son regard dans la pièce les raisons de ce melting-pot de futurs tatoués. Fixées au mur, des distinctions obtenues à des conventions locales, nationales et internationales sur le tatouage.

Passé le bureau d’accueil, on pénètre dans un autre univers où le silence se mêle au picotement des aiguilles sur la peau. Après avoir soulevé trois rideaux délimitant des espaces où s’affairent des collaborateurs, on retrouve Patu le visage concentré sur la réalisation qu’il exécute. Une pièce sur le bras avant droit d’une femme.

La zone de travail est épurée, ni fioritures, ni trophées, juste une table, une lampe, le nécessaire à tatouer et le tatoueur. Un maître des lieux qui dégage une aura perceptible par tous ceux réceptifs à l’énergie polynésienne, traduisez le mana.

Et puis l’appareil cesse et Patu raconte. Tout commence à une époque où les mythologies prennent vies. Une période avec une cité, des dieux, déesses, héros, martyrs et bannis. Les parfaits ingrédients pour une histoire à raconter autour d’un feu. Celles que se transmettaient de génération en génération dans les familles polynésiennes. Une oralité qui avait son équivalent graphique : le tatouage.

Destinés à restituer l’arbre généalogique selon son rang, ses exploits, son clan, ses descendants, les motifs étaient scrupuleusement encadrés car sacrés. Une sacralité associée de nos jours au mana, cette puissante énergie propre à la Polynésie. Dit de cette façon cela paraît si simple, mais cela est bien plus complexe évidemment. Mais ce résumé permet d’en comprendre l’essentiel. Patu en véritable ambassadeur l’a très bien restitué.

LE TATOUAGE A 11 ANS

Patu Maamaatui précisément.

« Je suis originaire du quartier Mama’o, j’ai commencé à tatouer à l’âge de 11 ans, j’ai 32 ans, cela fait plusieurs années maintenant que je pratique l’art du tatouage, et j’ai commencé à le faire professionnellement en 2006 où j’ai intégré la team Mana’o Tattoo, et exercé le métier de tatoueur jusqu’en 2013. »

Entre temps, il s’inscrit au Centre des métiers d’Art et en ressort diplômé.  

« Je dessinais déjà quand j’étais petit, et autour de moi ça tatouait beaucoup comme mon frère Tauatini, quelques copains du quartier comme Heimano et Taiava. J’étais donc beaucoup inspiré par ces personnes, ensuite je me suis lancé. C’était plus fort que tout, c’était en moi et il fallait que j’exprime cette force intérieure ! »

PROFESSION TATOUEUR

Exprimer ce qu’il y a à l’intérieur pour l’encrer à l’extérieur, un exercice devenu quotidien. Avant chaque tatouage Patu prend le temps d’échanger, de s’imprégner, de se connecter aux personnes qui viennent le rencontrer. Depuis la vague de renouveau culturel polynésien des années 1980, la tendance a bien changé. Le tatouage est plus moderne. Par moderne il faut comprendre : mélange d’influences.

« Ça se fait de plus en plus à Tahiti, mais on note quand même un retour à des motifs d’origines. Des motifs puissants. Parce que c’était interdit ! Ce qui est interdit traduit une certaine puissance, aujourd’hui on trouve que rien ne peut arrêter ça ! »

Chacun cherche à inscrire sur son corps des bribes de vies comme pour se réconcilier avec soi, avec ceux qui nous ont précédé. Une quête identitaire pour se sauver, se protéger soi-même…

« Oui, chacun a sa vision, on vient ici pour se tatouer un moment de sa vie, qu’il soit bon ou pas, cela peut se traduire comme une thérapie. D’autres c’est plus pour le fun ou l’esthétisme et d’autre encore plus posés, plus structuré comme un retour aux sources. »

La relation que Patu entretient avec ses tatoués n’est plus celle des débuts, elle est définitivement plus intimiste, plus personnelle. Il devient leur confident et les accompagne dans cette quête de bien-être autant spirituel que physique.

« C’est du feeling qui intervient dans la séance, après c’est une partie de sa vie, de notre rencontre qui va être marqué sur sa peau. Pour beaucoup de personnes, j’apporte un certain bien-être, c’est paradoxal parce que l’on se fait piquer. Mais je me dis que je les accompagne dans leur réconciliation identitaire. »

Patu jette un œil sur le travail qu’il vient d’exécuter, il semble satisfait, c’est le moment de se quitter. Avant de le laisser terminer son œuvre, il me lance un dernier message à l’adresse des hommes de Polynésie :

« Faa’ito’ito dans tout ce que vous entreprenez, on a de l’or dans nos mains, faut l’exploiter au maximum pour le perpétuer et le confier entre les mains de nos enfants plus tard. Sinon ce sont les autres qui vont avoir notre savoir, notre savoir-faire et c’est eux qui vont nous l’apprendre et je ne tolère pas que ce soit un étranger qui vienne m’apprendre mon patrimoine. »

1Ta’aroa : Dieu de la mythologie polynésienne

 

Jeanne Phanariotis
Rédactrice web

© Photos : Page Facebook Patu, ‘Anapa Production

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