Faire voyager la mode polynésienne à travers le monde avec Manuarii
Couleurs, textures, formes… Les tenues créées par Manuarii sont toutes plus originales les unes que les autres. Le jeune homme, originaire des Australes, crée depuis son plus jeune âge. Sa passion ? Le stylisme et la conception de tenues végétales. Il fait connaître ses créations autour de lui depuis 2017 et quitte la Polynésie en mars prochain pour apprendre et faire rayonner la culture polynésienne à travers le monde. Hommes de Polynésie a rencontré ce jeune homme souriant et à la volonté de fer, juste avant son départ.
Une enfance rythmée par l’artisanat
En apprenant davantage sur l’enfance de Manuarii, on comprend bien d’où lui vient sa passion.
« Tout petit, chez moi à Rurutu, j’ai baigné dans le monde de l’artisanat. J’observais mes grand-mères et mes tantes, je touchais les chapeaux et les paniers tressés… »
Le jeune homme nous confie que lorsqu’il pleuvait, il n’y avait pas grand-chose à faire sur l’île. Alors, pour passer le temps, ses sœurs deviennent ses modèles : il découpe des draps, des paréos, avec ce qui lui tombe sous la main il assemble et crée des tenues pour elles.
« Mes parents, ça les faisait rire, tant que je ne prenais pas les draps neufs. »
Au-delà de la mode, Manuarii s’intéresse aussi à la photographie dès son plus jeune âge, à la fois comme modèle et comme photographe. Il touche à tout, imagine des décorations de Noël surprenantes et organise aussi des anniversaires, des mariages, des soirées à thème dont il crée les décors pour ses proches.
« Tout le monde pensait que c’étaient des décorations achetées… J’entendais toujours les mêmes remarques, certains me disent que j’ai un don, et je me suis dit : ça peut le faire. »
Sa passion pour la mode ne le quittera jamais, même après son arrivée à Tahiti et ses débuts dans la vie professionnelle, dans un tout autre domaine…
Une passion qui se concrétise à Tahiti
À Tahiti, Manuarii se destine à une carrière dans le domaine de l’hôtellerie. Au lycée hôtelier, en 2013, le GIE Tahiti Tourisme propose aux élèves de participer à la journée du tiare1 à travers un défilé végétal.
« Je me suis dit, pourquoi pas me montrer en public, je ne l’avais jamais fait avant. »
Et Manuarii remporte le premier prix du concours avec sa tenue végétale.
« Ça a été le déclic, je voulais apprendre encore plus et me développer dans la mode. »
Les difficultés à vivre de sa passion le poussent à continuer sa formation au lycée. Le BAC, le BTS et une licence tourisme en poche, il fait plusieurs stages et travaillent dans plusieurs hôtels de Polynésie et d’ailleurs : en France, en Suisse, à Bora Bora, Tahaa, Tahiti et dernièrement Tetiaroa.
« Je suis resté longtemps dans ce domaine. »
Mais Manuarii a envie de changement. L’année dernière, il dévoile au grand jour son activité tout en continuant à travailler dans l’hôtellerie. Il commence par se faire connaître grâce à ses robes végétales lors des élections de Miss. En février 2017, il gagne le prix de la meilleure robe végétale à l’élection de Miss Punaauia, avec une tenue qu’il aura mis trois semaines et demi à créer et faite de graines de Pipitio venues des Marquises. En juin, il conçoit aussi des tenues pour les élections de Miss Tahiti et Miss Papara : deux tenues créées en cinq jours, un vrai défi !
En novembre 2017, il organise un défilé végétal en partenariat avec un bar branché de la capitale. Le retour du public est très positif et cette expérience lui confirme son choix de se lancer dans la mode.
Trouver l’inspiration, partout autour de soi
Manuarii trouve les végétaux qu’il utilise pour ses créations partout autour de lui : dans son jardin ou celui de ses proches, au marché, dans la nature…
« J’imagine ce que je peux utiliser pour faire quelque chose de… whaouh ! »
La nature, si présente en Polynésie, est pour lui une source infinie d’idées et d’inspiration, qu’il adapte sur ses créations tout en conservant une touche de modernité.
Pour la fabrication de ses tenues ou de décorations, il utilise aussi des matières brutes qu’il trouve dans les déchèteries. Manuarii y récupère de vrais trésors : cartons, bouteilles en plastiques et autres objets qu’il réutilise dans ses créations. Un moyen pour lui d’allier la mode et l’écologie, de réutiliser et donner une seconde vie à ces objets abandonnés.
« L’écologie et la nature sont deux facteurs importants qui m’accompagnent dans tout ce que je crée. »
Partir à l’étranger pour exporter la « touche polynésienne »
Manuarii n’a aucune base en stylisme, il fait tout à la main par ses propres moyens. Une machine à coudre est un mystère pour lui ! Alors pour se perfectionner, il décide de quitter la Polynésie.
« J’étais mitigé entre trois pays. J’ai choisi la France pour apprendre dans une bonne école de mode. »
Le départ pour Paris est prévu en mars. Manuarii effectuera une première formation pour apprendre les bases en arrivant, ce qui lui laissera le temps de choisir une école pour la rentrée de septembre.
Le jeune homme nous confie vouloir apprendre le stylisme et le modélisme. La différence ? Le styliste fait le dessin, le modéliste l’exécute et confectionne la tenue. Pour lui, il est primordial de gérer ses créations de A à Z : les imaginer et les concevoir.
« Mon objectif : faire de la haute couture et y allier le végétal de notre riche patrimoine : une touche polynésienne pour promouvoir notre belle culture. »
Manuarii veut mettre en valeur la culture polynésienne et la faire connaître à l’étranger. En effet, le jeune homme ne compte pas s’arrêter à la France, puisqu’il souhaite par la suite voyager à travers le monde pour découvrir les modes et les tendances de plusieurs cultures.
« J’ai toujours voulu voyager. J’ai 27ans et je compte me donner les moyens pour arriver à toucher le cœur des personnes à l’étranger. »
Malgré ses rêves d’ailleurs, Manuarii est un jeune homme de 27 ans qui n’oublie pas d’où il vient et les valeurs de son fenua. Il nous confie d’ailleurs être fier de ses racines et utiliser le nom de famille de sa maman, Teauroa, comme nom d’artiste. C’est une façon pour lui de faire perdurer ses origines : l’île de Rurutu du côté de sa maman et de Raivavae du côté de son papa.
« J’utilise le nom de mon papa dans la vie de tous les jours, je voulais aussi utiliser celui de ma maman pour mettre en avant là où j’ai grandi, à Rurutu. »
Ses voyages seront l’occasion de découvertes, mais aussi de faire découvrir une partie du patrimoine culturel de la Polynésie à travers le monde. Manuarii crée pour surprendre, émouvoir et sensibiliser à la préservation « de notre belle Terre ». À travers cet article, il souhaite remercier ses proches, qui l’ont soutenu tout au long de son parcours : « Ils sont ma force, ma détermination et ma motivation tous les jours. »
Plus d'informations
Sur la page Facebook My Dear Tahiti.
1Tiare : fleur emblématique de la Polynésie, au parfum puissant et enivrant.
Camille Lagy
Rédactrice web
© Photos : Manuarii Teauroa, Stéphane Mailion, Tamaui Tauotaha, M-CORP._NDZMAX