Rencontre avec Raimana Li Fung Kuee, Capitaine des Tiki Toa (2/2)
Après avoir découvert les débuts sportifs de Raimana Li Fung Kuee et en avoir appris un peu plus sur son parcours de vie, Hommes de Polynésie est fier de poursuivre plus avant l’entretien avec cette star de notre Fenua1. Ainsi, le capitaine des Tiki Toa est désormais surveillant pénitentiaire à la prison de Faa’a, ce qui interroge tout naturellement sur la difficulté de mener de front une carrière sportive au plus haut niveau et un métier ardu.
Une vie exigeante mais trépidante
Pour arriver à réussir carrière et sport de haut niveau, Raimana a dû faire face à des obstacles que l’on ne soupçonne pas. Pourtant ces derniers n’ont jamais entravé la volonté farouche du champion d’arriver au sommet, comme il le relate, en toute simplicité :
« Effectivement les choses ne sont pas toujours faciles je ne dirais pas le contraire. Par exemple il faut savoir que, les employeurs n’accordant pas nécessairement de congés spéciaux, nous devons prendre sur nos congés personnels lors des tournois et de nos compétitions notamment à l’étranger. La conséquence est simple, c ‘est que nous n’avons plus de congés pour passer du temps avec nos familles. Moi par exemple, au moment où je travaillais à la banque j’ai été contacté par un club russe. J’ai alors sollicité de pouvoir prendre une année sabbatique ou un congé sans solde, ce qui m’a été refusé et j’ai donc fait le choix de garder mon emploi. Il faut faire ses choix et garder les pieds sur terre… »
Pour Raimana comme pour l’ensemble des joueurs de l’équipe, les épouses des joueurs ont sur ce point un rôle essentiel puisque ce sont elles qui doivent supporter l’absence – parfois plusieurs semaines – de leurs maris, et l’impossibilité de prendre des vacances ensemble avec les enfants. La famille est donc, comme souvent, le tout premier soutien et c’est en pensant à eux que les joueurs se dépassent sur le terrain.
Raimana me livre alors une petite anecdote émouvante :
« Lorsque je reviens de compétition avec une médaille, je la donne toujours à mon père dès ma descente de l’avion ; la dernière je lui ai donnée en lui disant simplement que j’étais désolé qu’elle ne soit pas en or ! »
Cette anecdote, comme les milliers de messages de soutien et les marques d’affection que les Tiki Toa reçoivent, donne du sens aux sacrifices personnels que font les joueurs pour réussir à allier sport, carrière et famille.
Aller s’entraîner tous les soirs, et parfois dès 5 heures du matin avant chaque compétition, sert une cause plus grande qui est celle de porter son équipe au plus haut niveau. C’est cela aussi les valeurs polynésiennes d’entraide, de soutien à son équipe ou à sa famille et d’esprit collectif, m’indique Raimana. Cet esprit collectif n’exige pas pour autant que tout le monde respecte les mêmes règles.
En réalité la philosophie des Tiki Toa, m’explique son Capitaine, c’est que « chacun doit se prendre en charge, chacun est libre dans sa manière de faire mais tout le monde sait qu’il faut donner son maximum pour l’équipe. »
Cette mentalité de liberté et d’individualité au service du groupe est notamment celle du coach suisse chargé des Tiki Toa avant la Coupe du Monde, Angelo Schirinzi.
« Il nous disait par exemple que chacun pouvait se coucher à l’heure qu’il souhaitait car chacun avait un rythme de sommeil différent ; tant que l’on était en forme le lendemain sur le terrain. C’est vraiment une façon de responsabiliser chaque personne et de faaire qu’elle se prenne en main. Tu veux aller chercher ton rêve et bien fais ce que tu dois pour cela. »
« C’est la même chose pour le régime alimentaire. Moi je mange de tout, j’aime d’ailleurs beaucoup aller au restaurant avec mes amis. Par contre je ne fume pas et je ne bois jamais d’alcool. Ce n est pas une question de religion, c’est un choix personnel.
Je ne jette pas la pierre à ceux qui le font mais simplement tu ne peux pas boire trop le vendredi soir et jouer tôt le samedi matin, c’est simple ! »
Aujourd’hui les Tiki Toa sont vraiment considérés comme des stars par la jeunesse, et ils souhaitent plus que tout partager leur expérience et s’inscrire dans la transmission des valeurs traditionnelles polynésiennes d’entraide et de solidarité.
La transmission par l'exemple
Raimana me confie qu’après la Coupe du Monde les Tiki Toa ont été sollicités pour intervenir dans des écoles et notamment à la Mennais.
C’était la première fois pour Raimana qu’il parlait devant des jeunes et ce ne fût pas simple. Il avait néanmoins à cœur de leur montrer qu’il est possible de faire ce que l’on souhaite si l’on s’en donne les moyens.
Ses coéquipiers et lui essayent d’inculquer aux plus jeunes le goût de l’effort et de la persévérance dans le sport ou dans la vie ; et cela même si l’on doit se confronter à l’échec.
« Bien sûr lorsque l’on perd une compétition c’est difficile et chacun gère cette situation à sa façon.
C’est à moi en tant que capitaine qu’il revient de remotiver les troupes et dans la vie c’est la même chose on peut toujours trouver quelqu’un qui vous aide. »
Toujours se dépasser tel est le message porté par cette belle équipe et son capitaine à une nouvelle génération.
« La transmission des valeurs de nos ancêtres qui nous ont elles mêmes été transmises par les anciens de l’équipe est primordiale pour nous et ce d’autant plus que nous cherchons à former une nouvelle génération de Tiki Toa qui pourra prendre la relève. Ce que nous souhaitons c est que le nom des Tiki Toa perdure dans le temps comme celui des All Blacks qui fait encore rêver des générations. Faire rayonner le nom des Tiki Toa et par là même faire connaître la Polynésie, sa beauté et ses valeurs à travers le monde. »
Cela a déjà commencé puisque les Tiki Toa sont respectés par de grandes nations du beach soccer comme le Brésil. Lors des compétitions à l’étranger, les joueurs ont toujours à l’esprit qu’ils sont les représentants du Fenua :
« Nous nous obligeons à un comportement exemplaire et irréprochable sur le terrain même si nous avons des coups de sang comme tout le monde. On ne doit en aucun cas donner une mauvaise image sur le terrain comme dans la vie personnelle d’ailleurs. »
La notoriété, difficile à gérer ? Apparemment pas, puisque Raimana est toujours ravi de voir des jeunes, et des moins jeunes, les féliciter et les encourager.
Même dans l’exercice de son métier de surveillant pénitentiaire, rien ne semble poser problème à Raimana qui bénéficie d’une aura positive tant auprès de ses collègues que des détenus ! « C’est drôle mais après la coupe du monde, des détenus m’ont même dit qu’ils étaient très fiers de nous et que nous représentions bien les guerriers polynésiens des temps anciens ! »
Ainsi s’achève mon entretien avec Raimana dont la réputation de personnalité solaire et chaleureuse n’est pas usurpée.
Souhaitons vivement que son rêve d’inscrire le nom des Tiki Toa dans la légende et de faire rayonner encore plus la Polynésie se réalise… Ia manuia, fa’aitoito !
1 Fenua : Terre
Nelly Hemain
Rédactrice web
© Photo de couverture : TNTV
© Photos : Raimana Li Fung Kuee