
Jason Temaui Man, en marche pour le peuple polynésien
En 2019, Hommes de Polynésie rencontrait Jason Temaui Man, qui nous parlait de son combat pour l’écologie. Aujourd’hui, activiste endurci et installé à Paris, il nous raconte pourquoi il est revenu à Tahiti faire le tour de l’île, et alerter la population à l’approche de la conférence des Nations Unies sur l’océan.
MILITANTISME ÉCOLOGIQUE
Pendant des années, Jason Temaui Man s’investit dans la cause climatique.
« La finité du climat, c’est les océans. »

Engagé auprès de plusieurs institutions et associations locales luttant sous le même drapeau, il constate les limites de certaines actions.
« On a beau faire tout ce qu’on veut ici, si les grands pays ne font pas le taff, les Tuamotu sont sous l’eau à la fin du siècle. »
En 2023, il s’envole pour Paris.
UN FA’A’ATI POUR ALERTER LES DIRIGEANTS
Bien implanté dans son nouveau microcosme militant dans l’Hexagone, il décide de revenir au fenua à l’approche de l’UNOC1.
« Je me suis dit, je vais faire des tours de l’île non-stop pendant un mois, pour voir plein de gens, pour faire parler, et attirer l’attention des médias. »
Pendant trois semaines, il marche 500 kilomètres autour de Tahiti pour alerter les dirigeants sur la situation critique des aires marines en Polynésie. L’occasion de rencontrer des acteurs de la vie locale, particulièrement touchés par la situation climatique dans les îles.

« Ce qui est assez fabuleux avec les tours de l’île, c’est que je vais à des endroits où personne ne va, où les médias se déplacent peu, où même les politiques se déplacent peu. »
En parallèle, Jason lance une pétition visant à instaurer des aires maritimes protégées en Polynésie.
PORTER LA PAROLE DES CONCERNÉS
« J’ai rencontré beaucoup de gens concernés, des pêcheurs, des pêcheuses, des associations qui portent les demandes de rāhui. J’ai rencontré des représentants des archipels aussi, notamment des tuha’a pae et les Marquises. »
Selon Jason Temaui Man, il est primordial de laisser s’exprimer les concernés.
« Ces personnes, c’est important pour elles et eux de se faire entendre. Pas beaucoup de gens leur donnent la parole. Au fond, leurs inquiétudes, c’est un peu les mêmes qu’on a partout. Mais c’est des gens qui vivent avec une proximité extrême avec leur lagon. Ils pêchent pour vivre. Quand il y a moins de poissons, ça impacte leur vie de manière significative. Leur parole a une saveur beaucoup plus pertinente. »
Pour ces personnes, la mer ne représente pas seulement une jolie vue ou un moyen d’agrandir leur capital financier. Elle est un garde-manger qui nourrit leurs enfants, dans le respect des traditions.

« Voici la parole de mon peuple que je vous présente humblement. Parce qu’actuellement, en termes de concertation citoyenne et populaire, j’estime que c’est quand même assez limité. On est un peuple de l’océan, et la majorité de la surface de notre pays, c’est de l’eau. »
RESPECTER LE RĀHUI
« Depuis une dizaine d’année, les archipels demandent de faire des rāhui au large, donc des aires maritimes protégées strictes. »
Cette coutume, déjà ancrée dans la culture et pratiquée par les ancêtres, serait donc inscrite dans la loi, afin de protéger les fonds, la faune et la flore sous-marins.
« Ça va bloquer leur large2 à la pêche industrielle et à la pêche commerciale. La pêche artisanale, ce sont les artisans qui ne vont pas aussi loin. Ça va permettre de régénérer les écosystèmes marins. »
UNE POLITIQUE POPULAIRE
Si Jason a parcouru des centaines de kilomètres à pied par lui-même, certaines personnes ont partagé une partie du cheminement à ses côtés. Parfois au sens propre, parfois à travers leurs convictions.
« Je ne marche pas seul. Toutes les demandes que je porte ne sortent pas de mon chapeau. »

Le jeune homme de Polynésie ne parle pas en uniquement en son nom, mais en celui de toutes les personnes qui, de près ou de loin, sont des enfants de l’océan.
«Mon message, ce serait de faire communauté face à la menace. Allez voir vos voisins et vos voisines, allez voir vos potes. Posez-vous la question : qu’est-ce qu’il y a comme problèmes aujourd’hui ? Comment on les résout ? Et là, on commence à faire de la politique populaire, et on va commencer à avoir des victoires. »
Signer la pétition
¹ Conférence des Nations Unies sur l’Océan
2 Zone au large des îles

Rédactrice
©Photos : Cartouche Louise-Michèle pour Hommes de Polynésie
Directeur des publications : Yvon Barde