Emmanuel Haapii, dit « Bylou » : une vie dédiée à la jeunesse polynésienne
Plus connu sous le nom de Bylou, Emmanuel Haapii œuvre depuis 20 ans au sein du CEMEA pour le bien-être et la réussite de la jeunesse polynésienne. Il a aussi formé bon nombre d’animateurs et de directeurs de centres de vacances du fenua. Il se confie à Hommes de Polynésie pour nous retracer son parcours et nous faire part de ses convictions pour notre jeunesse.
Une carrière dans l’animation
Bylou grandit et entame ses premières années de scolarité à Afareaitu avant de poursuivre au lycée à Tahiti. Alors qu’il avait décidé de faire carrière dans le génie civil, son frère, directeur de centre de vacances l’appelle pour venir compléter son équipe d’animateurs. Sa carrière dans l’animation débute.
« Ce séjour en centre de vacances a été le début de tout. J’ai beaucoup aimé l’ambiance au sein du centre et le fait d’intégrer une équipe d’animateurs avec des visions ou des caractères différents. On est obligé de se mettre au diapason pour travailler avec un objectif commun : l’intérêt et le bien être des enfants. Quand tu vois que les parents et leurs enfants sont contents à la fin d’un centre de vacances, tu ressens la satisfaction d’avoir bien travaillé. »
La soif d’apprendre et d’évoluer
Sans formation ni expérience, Bylou obtient rapidement des diplômes. À 19 ans, il décroche le BAFA et devient formateur des animateurs au sein du CEMEA. À 21 ans, il réussit le BAFD pour diriger les centres de vacances. Cependant, former des personnes plus âgées que lui n’a pas été de tout repos.
« À mes débuts, les jeunes étaient un peu mis de côté. Les personnes âgées que je formais disaient que ce n’était pas aux jeunes de leur enseigner les choses. Je me suis dit qu’il allait falloir davantage de compétences pour gagner le respect de tout le monde. J’ai eu la soif d’évoluer pour changer cette façon de voir les choses. Pour moi, c’était clair : les enfants ont beaucoup à apprendre des adultes mais l’inverse est aussi valable. Pour arriver à changer cette vision des choses, je me suis dit qu’il fallait être à la tête pour définir les lignes directives et la manière de fonctionner. »
Le savoir, le savoir-faire et le savoir être
Il continue alors à se former pour gravir les échelons et décroche le BPJEPS en mai 2022 (Brevet Professionnel de la Jeunesse, de l’éducation Populaire et du Sport). Il est ensuite nommé directeur adjoint en janvier 2023. Selon lui, les notions de savoir, de savoir-faire et de savoir-être l’ont guidé dans sa vie professionnelle et personnelle.
« Le savoir, le savoir-faire et le savoir-être vont de pair. Tu ne peux pas avoir de connaissances sans savoir-faire. Tu ne peux pas faire quelque chose sans savoir l’expliquer. Il faut aussi de la patience pour expliquer les choses à certaines personnes qui ont du mal à comprendre. C’est ce que j’ai appris dans toutes les formations que j’ai faites : acquérir des connaissances, savoir les mettre en pratique et connaître son public pour pouvoir les transmettre. Certains apprennent vite. Avec les autres par contre, il faut y aller doucement. Il faut à chaque fois adapter tes méthodes. Tu peux être un bon animateur mais si tu n’as pas le savoir-être, cela ne va pas marcher. Ce sont les trois notions que je mets en avant tout au long de ma vie. »
Sensibilisation sur les dangers des outils numériques
Si les thèmes des projets éducatifs sont variés au sein du CEMEA, celui des outils numériques est l’une des priorités de Bylou. Il apporte d’ailleurs son soutien au développement du pôle numérique de l’association.
« On a évolué vers d’autres domaines au sein du CEMEA. On ne travaille plus seulement sur les centres de vacances. Une de nos priorités est désormais le numérique. On est en train d’éduquer nos jeunes sur la manière d’utiliser avec intelligence ces outils. Il y a de tout et du n’importe quoi sur les réseaux sociaux comme les arnaques, les fakes news, et bien plus encore… Si on n’enseigne pas à un jeune comment les utiliser correctement, il va apprendre par lui-même en s’exposant à plusieurs dangers. On leur enseigne aussi tout ce qui concerne les techniques de cinéma : savoir filmer, parler au micro ou régler le son. On ne peut plus retirer ou interdire les écrans. Tout ce qu’on peut faire maintenant, c’est de la prévention et de la sensibilisation. »
Transmission du savoir des matahiapo
Autre priorité pour lui, la transmission du savoir entre les matahiapo et les enfants.
« Ce sujet m’a toujours passionné. J’y pense tous les soirs en passant du temps avec ma mère de 70 ans et ma fille de 8 ans. Je voudrais que ma mère lui transmette ses connaissances et son histoire. Je travaille également sur ce thème avec les jeunes. Par exemple, dans la commune de Mahina, j’ai lancé un projet intergénérationnel dans lequel les jeunes doivent recueillir les connaissances des matahiapo sur un support, tel qu’un album photo ou un tableau. C’est important quand on constate que beaucoup d’entre eux ne parlent pas le reo tahiti, ou que des experts en médecine traditionnelle ont quitté ce monde sans avoir transmis leurs connaissances à leurs enfants. La culture est l’une des choses la plus importante pour moi. Je suis convaincu qu’un pays sans culture n’est pas un pays. »
Une éducation religieuse
Selon Bylou, son évolution dans sa vie professionnelle et personnelle est aussi due à l ‘éducation religieuse qu’il a reçue de ses parents.
« Enfin, je suis convaincu que l’éducation biblique que mes parents m’ont transmise a contribué à améliorer ma formation et mon éducation. C’est indéniable… Je ne pourrai jamais assez les remercier pour cela. Dans tous les choix et les décisions que je prends, je suis convaincu que la Bible et son auteur demeurent des guides pour faire les meilleurs choix dans la vie. »
Déterminé à œuvrer pour le bien de la jeunesse polynésienne
Pour conclure, Bylou veut rester positif et assure vouloir continuer à œuvrer pour la jeunesse polynésienne.
« Beaucoup de personnes disent que la situation des jeunes s’est empirée. Je leur dis pour ma part que cela devrait nous motiver à travailler plus pour eux. Il ne faut pas que l’on perde espoir. J’ai eu affaire à des jeunes qui n’avaient pas confiance en eux alors que maintenant, ils l’ont. Ils ont énormément progressé dans leur vie. C’est le fait de voir leur évolution qui me motive à continuer à travailler pour eux. On fait tout cela pour éviter qu’ils se retrouvent dans la rue ou seuls à la maison. On leur propose alors des activités ludiques dans un cadre sécurisé. Ils retrouvent certaines valeurs et tissent des liens avec les autres. Cela fait 20 ans que j’œuvre pour la jeunesse. Ce n’est pas demain que je vais m’arrêter. C’est ma contribution pour nos jeunes. »
Rédacteur
©Photos : Emmanuel Haapii pour Hommes de Polynésie
Yvon Bardes, directeur de publication