
Woita Prokop, artisan d’art engagé au service de la jeunesse (2/2)
Artisan d’art situé dans la vallée de Hamuta à Pirae, Woita Prokop revient pour Hommes de Polynésie sur son parcours hors norme et son engagement auprès de la jeunesse polynésienne. Cette année, son atelier fêtera 35 ans de créations originales en nacre, perle, bois, pierre et résine. Une reconnaissance à la fois professionnelle et humaine.
L'artisanat d'art
En 1992, Woita Prokop montre son travail lors d’une exposition à la mairie de Papeete sur le thème de la perle et du bijou. Cette première rencontre avec le public l’encourage dans sa voie.
« Même si je n’avais pas d’argent, j’avais décidé de faire l’expo sans vendre. J’avais créé mon univers en mélangeant les matières. Les personnes s’arrêtaient sur le stand et n’en revenaient pas. Certaines pleuraient devant nos produits. Pour moi, c’était un moment fort en émotion. Le contact s’est fait, le partage aussi. Ma clientèle est née en venant à l’atelier. Le respect des anciens artisans est arrivé bien après. »
Avant-gardiste dans ses créations, Woita bouscule les codes de l’artisanat traditionnel.
« Je ne connaissais rien à la culture, car j’étais parti longtemps. Durant 25 ans, j’ai accueilli des élèves du centre des métiers d’art en formation. J’ai aussi participé au jury d’attribution des cartes de maître artisan. Je ne l’ai pas moi-même, car il faut moins de 10 employés pour y prétendre. On crée, on fait du social, on embauche, mais on ne rentre plus dans les cases. »

Un engagement fort pour la jeunesse
De ses errances passées, Woita Prokop conserve le désir d’aider la jeunesse polynésienne à se professionnaliser. Dès les débuts de l’atelier, il accueille ainsi de nombreux jeunes.
« Travailler seul ne m’intéresse pas. Gagner de l’argent pour gagner de l’argent, non plus. Avec ce que j’ai vécu, les efforts que j’ai dû fournir pour en arriver là, je me suis dit : Tiens, je vais aider les jeunes à trouver un emploi, les encadrer, les former, les éduquer. Je leur explique aussi comment faire attention aux sous. Si je peux apporter du savoir et être utile, tant mieux ! »

« J’ai toujours une certaine fierté quand je vois les jeunes évoluer. C’est gratifiant d’observer leurs efforts et intéressant de voir les différentes personnalités s’exprimer. Cela me passionne ! »

L'entrepreunariat social
L’histoire Prokop continue de s’écrire avec sa femme, son fils, sa fille et ses employés que Woita considère comme une grande famille. Quelque 19 personnes travaillent désormais à l’atelier et à la boutique. La clientèle se diversifie. Particuliers, entreprises et administrations reconnaissent la qualité et le sérieux de l’atelier, sans se douter parfois de l’énergie déployée en coulisses et des sacrifices.
« Un entrepreneur qui tient une société, c’est compliqué. Un mec qui travaille dans le social ne fait que ça, et c’est compliqué. Alors imagine maintenant quelqu’un qui réunit les deux en un ! J’en fais plus qu’il n’en faut. Tous les matins pendant une heure et demie, on dresse ensemble l’état des activités dans chaque secteur. Tout le monde a droit à la parole. Les critiques, le positif ; tout le monde peut dire ce qu’il pense. C’est le seul moment où j’autorise chacun à vider son sac et à confier ses problèmes personnels. Je suis là pour écouter, calmer un peu, expliquer. Quand on retourne au travail, je ne veux plus de confrontations. Il y aura toujours des problèmes lorsqu’on gère une entreprise, mais j’essaie de passer toutes ces étapes en restant positif. »


Depuis plus de 30 ans, Woita nourrit un rêve entrepreneurial, social et culturel : monter un village d’artisanat qui développe et partage la culture dans toute sa diversité.
« Le but serait de créer un tourisme culturel et artistique. Les possibilités sont immenses en recrutant des professionnels dans certains domaines. Ce serait si intéressant ! Les mecs me prennent pour un rêveur, mais la faisabilité est là. Il manque juste un petit coup de pouce pour lancer ce projet. Il suffirait d’avoir un terrain domanial de 3 à 5 ha pour développer mes idées petit à petit en fonction de mes moyens. J’y crois fortement. Je suis déjà exemplaire dans ce que je fais, et je sais que je peux le faire. Je ne suis pas taillé pour monter un dossier administratif, mais j’ai tous les éléments pour le reste ! »
Avec son sens de l’engagement et du collectif, nul doute que Woita Prokop saura relever ce nouveau défi !

Rédactrice
© Photos : Woita Prokop et Laetitia d’Hérouville pour Hommes de Polynésie
Directeur des Publications : Yvon Bardes