Sergio Bordes, une âme de sauveur
Pompier, c’est le métier qu’exerce Sergio Bordes depuis bientôt 30 ans. Son visage est souvent associé à des interventions sur des feux ou des accidents. S’il apporte un éclairage précieux pour les médias en quête d’information, il est également une lumière pour jeunes recrues. Sergio a accepté de faire une rétrospective sur sa carrière débutée à Paris avec Hommes de Polynésie
DE LA RURALITE A LA VIE URBAINE
Septembre 1960, Elisabeth Lucas et Roger Bordes ont un fils : Sergio. Il est le 22ème né d’une famille où le respect, la fidélité, la droiture, la joie de vivre et la foi forment le socle familial. Une fratrie élevée à Faaone par un père agriculteur. Sergio mange bio à une époque où dans les assiettes il n’y avait ni poulet congelé, ni boites de conserves et où le premier voisin se trouvait à plus de 200 mètres de distance.
« J’avais cette vision-là de Faaone jusqu’à l’âge de 7 ans, avant notre venue sur la ville »
1969, son père est frappé d’une maladie. Se sachant condamné, il s’est rapproché de la ville pour faciliter ses allers et retours à l’hôpital. Débute une autre vie pour Sergio. Changement de rythme, de cadre et de voisins.
« C’est vrai que ça marque d’avoir des voisins à coté, d’avoir des copains d’école qui habitaient à seulement quelques mètres de la maison, c’est vrai que ça m’a beaucoup changé ! »
Autre changement marquant pour Sergio : la découverte des soldats du Feu.
« Je voyais de loin ces pompiers à l’ancienne Mairie de Papeete, je n’ai même pas osé aller vers eux»
Ce premier pas, il le fera à la suite d’un événement majeur dans sa vie d’enfant.
« Tout jeune à 10 ans, juste après le décès de mon père, le camion rouge, le feu, tout cela m’impressionnait. Et je savais que plus tard c’est ce que je voudrais faire. »
ECOLE DE POMPIER DE PARIS
1979, dix ans après s’être mis en tête de devenir pompier, Sergio est intégré à l’Ecole de Pompiers de Paris. A 19 ans l’enfant de chœur qui ne connaissait pas les boites de nuit mais se rendait tous les dimanches à 6 heures du matin chanter des louanges aux cotés de Monsieur Michel Coppenrath, s’envolait direction la métropole.
« Alors là quel changement ! De la vie ici en Polynésie et celle de Paris, ça a été un choc culturel énorme. »
A commencer par…les fiestas ! Il apprendra également qu’à Paris, on ne plaisante pas avec la ponctualité, l’ordre et la méthode. Un cadre militaire où il est formé au secourisme, l’incendie et à être opérationnel. Là-bas, il interviendra souvent sur des feux d’appartements et des suicides sur la voix ferrée.
« On allait récupérer des morceaux de corps étalés sur plusieurs mètres ! il fallait se munir d’un sac et ramasser un à un les bouts de corps éparpillés. Mais ce que je retiens de ce passage c’est que je suis allé à bonne école. »
Il reste 6 ans dans la capitale jusqu’au jour où il apprend que sa mère est à son tour alitée. Nous sommes en 1986, Internet n’existe pas, on est encore à l’ère du courrier postal et de la minute de téléphone à 300 francs.
« Tout se passait par courrier. Il fallait faire un choix, j’ai décidé de rentrer parce que les médecins avaient estimé que ma mère ne vivrait pas plus d’un an »
RETOUR AU FENUA
Contre l’avis de son responsable de garnison, il résilie son contrat, postule à l’aéroport de Tahiti, réussit le concours et entre dans une structure qui finalement ne répondait pas à ses attentes. Dans la même année il y a une embauche chez les pompiers de Papeete, il passe le concours d’entrée et le réussit.
« Je démarre à Papeete en 1987 lorsqu’arrive cette vague de départs de feux volontaires. »
Un fait historique marquant pour Sergio qui constate le manque de moyens et d’effectif humain. « Rien à avoir avec Paris, c’était du système D ». Bilan : il fallait restructurer la cellule avec Papeete qui devenait capitale et toutes les habitations qui se construisaient impliquaient de revoir leur schéma d’intervention.
Entre temps à Mataiea où il résidait, un accident de la route met en exergue les difficultés d’intervention sur la côte Ouest. Sergio a donc décidé de rencontrer le maire. 1996, il devient pompier volontaire bénévole et met en place une cellule sécurité pompier. A Moruoa tout est démantelé, une aubaine pour Mataiea qui convient de récupérer le camion incendie du site et d’embaucher deux personnels de sécurité.
« Je postule pour devenir chef de centre volontaire bénévole ! »
Avec le secrétaire général Ronald Atger, ils ont recruté une vingtaine de personnel volontaires résidents à proximité du centre. Il est parti suivre à Paris une formation d’officier. Il a décroché le grade de lieutenant en 1999 et en 2001 il est nommé capitaine.
« Je passais mes 24 heures de garde à Papeete et mes deux jours de récupération je les passai à Mataiea. Cela a duré 5 ans comme ça ! En 2006 je suis propulsé au rang de Chef de brigade à Papeete. »
Papeete étant l’une des dernières communes à intégrer la fonction publique il a obtenu le statut de fonctionnaire en 2019. Entre l’enfant de 9 ans qui rêvait de devenir pompier et le chef de brigade d’aujourd’hui, Sergio dresse un bilan positif sur l’ensemble de sa carrière.
« Je suis content de mon parcours parce que je me dis toujours que quand on veut quelque chose on peut l’avoir. Il faut aller à la pêche, pas attendre que cela se passe. Demander à accéder à des formations si c’est nécessaire, mais pas attendre que les choses se passent. Le métier de pompier ce n’est pas rester sur ses lauriers, on se trompe d’objectif. Le métier de pompier pour moi c’est mon ADN ! Sans les pompiers je ne sais pas ce que je serais »
Jeanne Phanariotis
Rédactrice web
© Photos : Hommes de Polynésie