Raimana Putoa, prof et DJ : « la culture, ça se partage »
Il est devenu professeur d’histoire géographie par envie de transmettre sa discipline, mais aussi et surtout par amour pour ses élèves. Des élèves qu’il connaît, comprend et accompagne, avec qui il partage aussi sa passion pour la musique. À la maison, sa compagne Vaiana et ses fils Mihimana et Temana sont ses premiers fans. Hommes de Polynésie est allé à la rencontre d’un homme qui donne sens au mot partage.
La naissance d’une vocation
Né à Papeete, dans les années 80, Raimana grandit à Papara puis à Faaa. Sa scolarité, il la fait dans le privé, à l’école Viénot, puis au collège-lycée Pomare, établissements proches du lieu de travail de sa maman.
« En classe de troisième, j’ai eu un prof d’histoire géo, Jean-Lucien Marcel, que l’on appelait « Papi ». Il m’a donné, à moi et à d’autres camarades de la classe, l’envie de partager la connaissance. De là, j’ai su ce que je voulais faire. »
Lorsqu’il en parle, c’est avec beaucoup de respect. Sa manière de faire passer les messages, à travers un ton comique et théâtral, le pousseront à passer par les bancs de l’UPF puis à devenir professeur d’histoire géographie en 2004.
Sa vie dans l’enseignement
Raimana enseigne alors dans de nombreux collèges et lycées de Tahiti. Huit en tout. De ces différentes mutations, il n’en garde que de bonnes expériences.
« J’ai habité 15 ans à Faa’a. Du coup, le public que je côtoyais, je le comprenais. La chance que l’on a quand on est prof « local », c’est de pouvoir comprendre les spécificités du pays. Pour moi, le collège de Faa’a, c’était un collège comme un autre. »
Ce qu’il aime, c’est le contact avec les élèves, mais aussi et surtout, leur regard admiratif quand le message est passé, quand la magie de la transmission opère.
« C’est vrai monsieur ce que tu dis ? »
Si les élèves de 6ème raffolent des mythes grecs, ceux de 5ème sont passionnés de civilisations océaniennes, riche de légendes et d’histoires. En 4ème, ils prennent plaisir à étudier l’exploration du Pacifique avec Cook.
« Ce n’est pas juste donner de l’info. Ils connaissent la rue Cook, le parc Bougainville. Quand on rattache ce qui les entoure à ce que l’on explique, ils comprennent qu’ils ont leur place dans ce qu’on leur raconte. »
Une passion pour la musique
« Ça date de mon enfance. Ma maman et la plupart des membres de ma famille ont une grande affinité par rapport à la musique. Mes tontons Jonas et Joel Ahutoru, ont fait partie du groupe Royal Band. »
Une évidence pour Raimana qui baigne alors dans ce terreau favorable. En 2005, il assiste à un « battle » de DJ, Chicken versus Nere, dans une boîte de nuit de Papeete.
« Là je me suis dit c’est ça que je veux faire. Quelques mois après, j’ai eu mes premières platines et ma table de mixage. »
DJ K Moon lui explique comment mixer et la première à lui donner sa chance, à un moment où elle pouvait ne pas le faire, c’est Tehani du Café de la Gare. Grâce à eux, Raimana, alias DJ Mana, commence à faire son petit bout de chemin.
« En une année je mixais pour « l’after » de la DJ japonaise Mayuri, au Café de la Gare. Puis j’ai été invité à mixer au Pop light à Nouméa, au Morrisson à l’époque de Marine, au Ute Ute, au Gaia, au Chocolatte. En ce moment, je mixe à l’hôtel Manava, au Malabar et lors de mariages. »
Son style de musique, la Deep house, plaît beaucoup. Depuis deux ans, DJ Mana produit et fait ses propres remix.
Un partage de la musique avec les élèves
« En 2013 à Papara, je voulais partager cette passion avec les élèves. Je me suis rendu compte d’un engouement des jeunes pour le mixage. Ça leur a permis d’animer la journée polynésienne. »
Raimana est étonné de voir à quel point ils apprennent vite. Au bout de six séances, les voilà prêts à gérer la table de mixage.
« J’ai décidé de reconduire cela tous les ans, certains élèves décrocheurs allaient au cours en attendant l’heure. À Taaone, une fois avant les vacances scolaires, les élèves montrent ce qu’ils ont fait aux autres élèves pendant la pause méridienne. »
Les jeunes en Polynésie ont du potentiel, Raimana en est persuadé. Mais il sait aussi qu’il faut les guider, susciter chez eux l’envie de se dépasser. Un jour, une bonne étoile a fait briller la soif de connaissance chez lui. Aujourd’hui, c’est son tour d’allumer d’autres étoiles, d’établir un lien entre les générations. Le lien du cœur avant tout.
Tehina de la Motte
Rédactrice web
© Photos : Raimana Putoa