
Luc Shan, 92 ans, le cow-boy infatigable du snack Lucky Luke
Cela fait plus d’un demi-siècle que Luc Shan se rend chaque jour à son snack Lucky Luke, situé en plein cœur de Papeete. À 92 ans, il se lève encore à 4 heures du matin pour préparer les crêpes maison et autres beignets frits dont raffolent les habitués. Hommes de Polynésie est parti à sa rencontre.
S’il s’appuie parfois un peu sur sa canne depuis quelque temps, Luc Shan a encore bon pied, bon œil à plus de 90 ans. Et s’il y a bien une chose qui ne change pas depuis toutes ces années, c’est son sourire aux lèvres et ses yeux pleins de malice.
« C’est mon fils George qui veut que je me serve de ma canne, ça le rassure. »
Originaire de Hong-Kong
Luc est né en 1933 à Tahiti dans une famille originaire de Chine. Son prénom, il le doit au jour de sa naissance, la Saint Luc.
« Mon père était originaire d’un petit village près de Hong Kong. Ils sont arrivés à quatre cousins à Tahiti avant la Première Guerre mondiale, vers 1910, je crois. Un est parti aux Marquises et mon père et deux de ses cousins sont restés à Tahiti. »
Pour vivre, son père ouvre un petit commerce d’alimentation dans le centre de Papeete. Luc va à l’école chinoise pendant quatre ans, puis à l’école Vienot.

« Pendant la Seconde Guerre mondiale, mon père voulait qu’on retourne en Chine, mais il n’y avait plus de bateau. Alors on est restés. Je suis ensuite allé à l’école des Frères. J’ai eu mon certificat d’études, mais après il a fallu que je travaille, alors je n’ai pas pu continuer. Je regrette un peu, mais il fallait aussi aider mon père, il fallait laver, couper les légumes… »
Des débuts dans la menuiserie
Luc commence à travailler comme menuisier. Il fabrique des meubles, des tabourets, des étagères.
« À l’époque, il n’y avait pas beaucoup de produits d’importation, alors il fallait fabriquer nous-mêmes les choses. J’aimais bien cela. »
Une ancienne charcuterie-boucherie
En 1960, il se marie et ouvre à son tour un petit magasin. En 1975, la petite charcuterie-boucherie près du marché est à vendre. Luc décide de l’acheter et de la transformer en snack.
« Le local était bien situé, à côté du marché, c’était pratique pour se fournir. Ma femme m’aidait, elle savait très bien faire les pai. Moi, j’avais appris à cuisiner avec mon père. J’ai fait l’aménagement du snack, j’ai fabriqué les tabourets, les étagères, qui sont toujours là… »
Un nom qui marque
Luc fait appel à un ouvrier pour la devanture. Il pense d’abord appeler son snack tout simplement Luc. Mais le peintre lui propose autre chose.
« Le peintre m’a dit que ça ne sonnait pas bien et il m’a proposé de le nommer Lucky Luke, comme le cow-boy de la bande dessinée. J’ai dit d’accord, et il a inscrit Snack Lucky Luke. »

Cinquante ans plus tard, la devanture, un peu défraîchie, affiche toujours Lucky Luke. Devant, Luc n’y gare plus sa vieille Mercedes, qui lui a fait office de Jolly Jumper pendant des années.
« Mon fils George ne veut plus que je conduise, à mon âge. »
À l’intérieur du snack, la déco n’a pas changé, seuls les calendriers de vahine et les posters des Miss Tahiti ont suivi la mode. Les habitués viennent s’asseoir sur les historiques tabourets pour déguster les casse-croûtes ou délicieux pai maison, réputés pour être parmi les meilleurs de Polynésie, et surtout, ils viennent profiter de l’ambiance familiale et du lieu hors du temps aux airs de Tahiti d’antan.

« Tous les matins, je me réveille vers 3 h 45, 4 heures. Puis c’est mon fils George qui vient me chercher à 5 heures pour m’amener au snack. Mon fils a repris le snack, mais je continue de l’aider. Je prépare les crêpes, les beignets de pilon et les ailes de poulet. Je m’ennuierai sinon à ne rien faire à la maison. »
À 9 heures, tous les jours, Luc dégaine son vieux téléphone portable à touche et appelle son cousin pour qu’il vienne le chercher et le ramener à la maison.
« Je suis un peu fatigué après le travail, alors je fais une bonne sieste. Mais j’aime venir ici tous les matins. Le snack Lucky Luke, c’est toute ma vie… »
Rédactrice
©Photos : Pauline Stasi pour Hommes de Polynésie
Directeur des publications : Yvon Bardes




