
La vie aux milles airs du ténor tahitien, Peterson Cowan
Hommes de Polynésie a rencontré Peterson Cowan, responsable du département de chant lyrique au Conservatoire artistique de la Polynésie française. Surnommé « le ténor tahitien » par Luciano Pavarotti, le chanteur a une vie qui ressemble à celle d’un livret d’opéra aux nombreux actes.
Quelques notes de piano, et la voix de Peterson Cowan envahit, comme un songe, la pièce où il nous accueille.
Une initiation avec son grand-père
Né à Tahiti en 1970, Peterson part très jeune avec ses parents, qui voyagent beaucoup.
« Entre mes 6 et 12 ans, mes parents m’ont envoyé vivre chez mon grand-père en Écosse. Cowan, c’est un nom écossais. C’est mon grand-père qui m’a fait découvrir l’opéra. Il m’emmenait visiter une ville selon les opéras programmés. Nous étudions avant le livret en allemand, en italien… Nous avons commencé par Salzbourg avec Idomeneo de Mozart. »
Une rencontre déterminante
Excellent élève, Peterson décroche son bac à 15 ans en Nouvelle-Calédonie, où ses parents résident alors. C’est là qu’il fait connaissance de la chanteuse lyrique Emmanuelle Vidal, amie de la famille.
« Sa voix faisait vibrer les fenêtres de l’église, c’était fabuleux. Depuis, nous n’avons jamais perdu le contact, jusqu’à son décès dernièrement. »

Mais si l’adolescent est déjà passionné d’opéra, son père l’imagine dans une autre voie :
« Dans le pire des cas, je serai médecin ! »
Un début professionnel prometteur
Il décide de suivre des études en informatique et en droit international aux États-Unis.
« En 1990, j’ai été pris comme stagiaire par le second de Steve Jobs. À l’issue de la semaine, il m’a embauché. J’ai travaillé chez Apple de 19 à 24 ans comme chef de projet, à la tête d’une quinzaine de personnes. »
Retour au fenua
À 24 ans, il revient à Tahiti pour effectuer son service militaire.

« Je voulais partir avec un contingent polynésien, c’était important pour moi. J’ai ensuite été affecté à Toulouse-Blagnac comme officier et j’ai défilé en 1994 sur les Champs-Élysées. Mes parents étaient venus me voir. »
Deux destins opposés
Mais le destin frappe brutalement. Son père meurt peu de temps après, puis sa mère…
« Je suis ensuite parti au Rwanda avec l’armée, c’était pendant le génocide. Je n’oublierai jamais cette odeur de mort. À la fin de la mission, il y avait deux bus à la base militaire de Villacoublay : l’un partait pour Balard et j’allais m’engager pour faire une carrière dans l’armée, et l’autre pour la fontaine Saint-Michel, le quartier étudiant. »
Des études en musicologie
Peterson monte finalement dans le second bus et s’inscrit, encore en uniforme, en musicologie à la Sorbonne.

« Je savais que seule la musique allait me sauver de ces épreuves. »
La rencontre “au culot” avec le maestro Pavarotti
En 1995, le jeune homme prend des cours de chant avec Isabelle Garcisanz, professeure de chant au Conservatoire du XVIe arrondissement de Paris de 1995 à 1998, et progresse rapidement. Une rencontre va complètement changer sa vie.
« En 1998, il y avait la tournée des Trois Ténors1. J’ai attendu le relais des équipes de nuit et de jour à l’hôtel Crillon pour passer, et je suis allé jusqu’à la chambre de Pavarotti. Je voulais savoir si ce métier était fait pour moi, alors autant le demander au meilleur ! J’ai chanté quelques minutes, et Pavarotti a décroché son téléphone pour appeler les organisateurs des trois plus grands concours internationaux. Il leur a dit qu’il y avait un petit nouveau qui serait prêt d’ici trois ans. Il m’a surnommé le “ténor tahitien”. »
Fort de cette recommandation, il se perfectionne à La Juilliard School de New York, la Guildhall School of Music and Drama de Londres, puis au Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris.
Il se spécialise ensuite dans les remplacements au pied levé.
« On pouvait m’appeler pour chanter du jour au lendemain. J’ai une vingtaine de rôles dans les répertoires français, italien et allemand. »
Retour sur sa terre natale
Entre concerts dans les plus grandes salles d’opéra et ses nombreuses activités, la vie de Peterson se déploie comme une partition. Mais en 2021, un message inattendu lui ouvre un nouveau chapitre.

« Ma chère amie Emmanuelle Vidal m’a contacté pour lui succéder à la tête du département de chant lyrique du Conservatoire artistique. Comment lui refuser ? »

Il accepte et revient donc s’installer sur sa terre natale. Aujourd’hui, entre une salle de classe où s’épanouissent les vocalises d’élèves et les scènes où il continue de se produire, Peterson Cowan poursuit son œuvre. Un destin mené en tempo allegro, guidé par la conviction que chacun porte en lui une note unique à faire entendre.

1 À l’occasion de la finale de la Coupe du monde de football en 1998, le trio de ténors les plus connus au monde se sont réunis à Paris pour un concert exceptionnel.
Rédactrice
©Photos et vidéos : Pauline Stasi, Peterson Cowan pour Hommes de Polynésie
Directeur de publication : Yvon Bardes




