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Portrait

Haamana Vanaa, du paysage tropical aux sommets glacials

Publié le 28 novembre 2018

Imaginez un solide gaillard polynésien en immersion à 3.000 mètres d’altitude par une température de -30°… C’est ce qu’a vécu Haamana, un polynésien qui, après sa carrière de chasseur alpin, est redescendu des sommets enneigés pour devenir un artiste complet, aujourd’hui installé avec sa petite famille à Moorea. Il raconte son parcours inédit à Hommes de Polynésie

Haamana, que l’on appelle Mana, est né à Papeete et a passé son enfance à Rurutu avant de rentrer à Tahiti. Il est le sixième de huit enfants, avec un papa qui apprenait à ses enfants la mentalité de Rurutu qui impose de ne jamais abandonner et renoncer dans le travail.

« mes oncles de Rurutu avaient une passion : le tatouage »

Le petit Mana avait sous les yeux le spectacle de ses oncles qui pratiquaient leur passion : tatouer. Il observe les gestes. Petit à petit on l’initie, et, à l’âge de 16 ans, Mana fait son premier tatouage sur des cousins qui lui servent de cobayes.

Mais il faut aussi penser aux études…Mana décroche son bac général puis se lance dans un cursus universitaire en vue de décrocher un DEUG d’Histoire Géo.
Il ne finira pas le cursus car un nouvel épisode de sa vie l’attend…

LES ANNÉES DANS L’ARMÉE

Mana s’engage dans l’Armée. En 2000, il passe le concours de sous-officiers et intègre l’école de sous-off de Saint Maixent. À la sortie de l’école, il faut s’orienter.

« je veux voir autre chose, je choisis de devenir chasseur alpin »

Naturellement, les Polynésiens s’orientent souvent vers la Marine. Mais Mana a envie de nouveauté, de paysages inédits, et il va être servi au-delà de toutes ses espérances puisque l’enfant du fenua va se retrouver dans les sommets enneigés puisqu’il décide de devenir chasseur alpin.

À sa connaissance, seuls trois polynésiens ont choisi ce chemin. C’est un véritable challenge personnel car l’exercice est très dur et intensément physique, mais Mana voulait montrer ce dont il était capable.

« s’adapter, c’est dominer »

Il découvre le manque d’oxygène lié à l’altitude, la difficulté de respirer. Un jour, lors d’une randonnée, il participe à la construction d’un igloo. Il est un peu naïf car il n’imaginait pas un instant qu’il lui faudrait dormir dedans, luttant chaque seconde contre un froid extrême.

On est bien loin des tropiques de sa terre natale ! Il comprend aussi qu’en montagne la descente est aussi difficile sinon plus que l’ascension… Il apprend à faire du ski et se souvient encore d’un précepte que lui inculque un gradé en lui disant que s’adapter à une situation, c’est la dominer.

C’est aussi à cette époque qu’il accepte la douleur, partant du principe que si tu as mal, c’est normal.

« j’ai tatoué à l’Armée, sur tous les continents »

Mana ne perd pas la pratique du tatouage. Quand on sait qu’il vient de Polynésie, les demandes se mettent à affluer, et il tatoue des camarades, pendant ses missions qui l’ont emmené dans les Balkans, en Afghanistan, en Côte d’Ivoire… grâce à lui, la culture polynésienne voyage et s’exporte à travers son talent.

RETOUR À LA VIE CIVILE

Pendant ces dix années passées à l’Armée, Mana rencontre celle qui deviendra son épouse et la mère de ses deux filles. Elle lui demande de faire un choix et Mana met un terme à sa carrière militaire, finissant Sergent Chef.

Dès lors, il s’interroge : que faire ensuite. La réponse qui lui vient c’est « on verra ! »
À cette époque il vit à Chambéry et fréquente les tatoueurs locaux. C’est l’occasion pour lui de se perfectionner dans les aspects techniques et les mesures d’hygiène.

C’est ensuite le déménagement à Amboise où il ouvre son salon de tatouage, et où il fait rayonner le tattoo polynésien. Il existe une saine concurrence dans cette région puisque Mana n’est pas le tatoueur qui va vous faire figurer sur la peau un portrait de Johnny Hallyday.

D’autres font ça très bien, mais Mana se limite aux motifs du fenua, et ça commence à se savoir, ses concurrents, qui ne peuvent pas lutter, lui envoient du monde. Car le tatouage polynésien c’est un must mondialement connu.

« petit à petit, le fenua me manque »

Le mal du pays le rattrape, il avait pourtant le sentiment étrange de ne pas vivre pleinement sa passion. Son but : être à la recherche du bonheur, et cela passe par la famille, valeur qu’il place plus haut que tout.

Il lui manque toujours quelque chose quand il n’est pas en Polynésie. Mana se souvient d’un enseignement de son professeur de re’o tahiti, Duro Raapoto qui lui expliquait que les européens voyaient la vie et le futur en regardant droit devant, à la différence des polynésiens qui regardent en arrière et se servent de leur passé pour mieux vivre le présent. En d’autres termes, il faut se servir des expériences que l’on a vécues.

Une fois rentré à Moorea avec sa petite famille, Mana rejoint le salon de tattoo qu’a ouvert son cousin Herbert. Il trouve un équilibre entre sa passion et sa famille car il veut voir ses filles grandir. Il sculpte et grave également avec le même talent que ses tatouages.

« je vais un mois par an tatouer en métropole »

Et, paradoxalement, c’est maintenant la métropole qui lui manque car c’est un amateur de fromages, de saucisson, qui apprécie aussi les églises de province et les forêts.

Du coup, il part chaque année un mois en métropole pour une mission intensive de tatouage. Grâce à sa réputation, le bouche à oreille et les réseaux sociaux, il annonce son arrivée et, en une journée, il remplit son carnet de rendez-vous pour un mois, et fait un confortable chiffre d’affaires qui lui permet d’avoir un rythme plus cool quand il rentre en Polynésie.

2017… UNE ÉPREUVE DRAMATIQUE

Contre toute attente, ce gaillard costaud aux allures de sportif est victime d’une rupture d’anévrisme. Les médecins ne donnent pas cher de sa survie, ils sont très pessimistes sur son pronostic vital.

Pourtant il surprend tout le monde en se sortant de ce mauvais pas en allant puiser son énergie dans les enseignements de son passé, avec un moral d’acier. Alors qu’on lui donnait six mois à vivre, il se rétablit en trois semaines, mettant en pratique l’une de ses philosophies : quand on veut, on peut.

« à Moorea il y a un mana, et la vie est simple »

Aujourd’hui il exerce sur l’île soeur. Il vient d’ouvrir son salon dans l’aérodrome de Temae et travaille quand il veut, privilégiant le contact humain avec ses clients, n’hésitant pas à les emmener découvrir une cascade, ou des plants de vanille sauvage…

Il profite de voir grandir ses deux filles avec qui il partage un maximum de temps, l’une étant passionnée de jiu jitsu, l’autre de cirque.

« il faut être libre, comme l’homme oiseau »

Mana est un sage, un garçon très modeste, qui a hésité à se confier. Mais il a une philosophie de vie aussi humaniste que généreuse lorsqu’il explique qu’il ne faut pas avoir peur d’apprendre, que le ridicule ne tue pas, qu’il faut rester humble.

Il défend avec talent le rayonnement du tattoo polynésien, espérant que les anciens vont transmettre leur savoir aux jeunes générations. Il remercie Purotu, Gilles lovisa, Ronui et Chime qui lui ont servi d’exemple. La Polynésie est La Mecque du tatouage !

Mana préconise d’être comme le ta’ata manu, l’homme oiseau, pour se sentir vivre en liberté. Enfin, il met un point d’honneur à profiter de chaque chose, car, conclut-il, le temps est multiplié par 100 quand on savoure chaque moment de la vie.

Laurent Lachiver
Rédacteur web

© Photos : Laurent Lachiver, Facebook Haamana

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