Capo, une vie à l’écoute des fleurs
Vous l’avez vu aux Floralies, aux foires agricoles et aux différents rassemblements du secteur primaire. Il greffe, instruit et plante. Teata Oito, dit « Capo », est une figure de l’horticulture à Moorea. Il détient des compétences uniques dans le greffage des plantes, des fleurs et, depuis peu, des arbres fruitiers. Capo se confie sur son parcours et sa passion pour les plantes à Hommes de Polynésie.
Un horticulteur originaire de Teavaro
Agé de 65 ans, Teata 0ito, plus connu sous le nom de Capo, grandit dans le district de Vaiare. Il débute sa scolarité à l’école primaire de Teavaro puis enchaîne au Collège de Paopao. Une fois son BEPC obtenu, il s’inscrit au Lycée Agricole d’Opunohu et obtient son BEPA (Brevet d’Etudes Agricoles Professionnelles) en 1975. Il travaille ensuite pendant une année pour un fleuriste professionnel à Papeete. Après cela, il revient à Moorea pour se lancer dans la plantation de légumes dans la vallée d’Opunohu. Déçu par les conditions météorologiques dans cette vallée, il met fin à sa plantation de légumes pour lancer sa pépinière de plantes et de fleurs à Vaiare.
« Les matahiapo de l’époque me disaient que cela ne servait à rien de planter des fleurs car on ne peut pas les manger. Ils avaient en fait l’habitude de planter du ufi (igname), du ‘ūmara (patate douce), du taruā, du taro ou encore du māniota..(manioc) pour nourrir leurs familles. Mais ils ne se rendaient pas compte que je pouvais gagner de l’argent grâce à la vente de mes fleurs. »
Pendant cette période, il passe et réussit un concours pour devenir moniteur agricole au CJA (Centre des Jeunes Adolescents) de Vaiare, poste qu’il occupe en gérant dans le même temps sa plantation personnelle. Désireux de gérer sa propre affaire, il démissionne finalement de son poste de moniteur puis rachète une entreprise de jardinage et de création de jardins et pépinières en 1986. En plus du jardinage, l’entreprise de Capo crée et embellit aussi le jardin de sa clientèle, composée notamment d’hôtels, d’administrations, de mairies et de particuliers. Pour cela, il s’approvisionne en fleurs et plantes au sein de sa propre plantation.
« Quelqu’un qui aime la terre depuis tout petit sait qu’il peut subvenir à ses besoins en se lançant dans l’agriculture. C’est un peu différent pour les fleurs car en plus de la plantation, il faut également savoir vendre. La commercialisation compte beaucoup, donc il faut connaître les débouchés d’une espèce de fleurs ou de plantes avant de la planter. »
Des compétences uniques dans le greffage
Capo ne s’est pas contenté d’être horticulteur. Depuis le début de sa carrière, il a décidé de se spécialiser dans le greffage de plantes, notamment de l’hibiscus. Il confie avoir appris certaines théories pendant sa formation agricole mais ses connaissances sont plutôt le fruit de plusieurs années d’essais et d’expériences dans le domaine. Il maîtrise aujourd’hui plusieurs techniques de greffage comme la greffe par approche ou la greffe en fente.
« Tout le monde travaille sur les taro ou les légumes mais peu de gens savent faire de la greffe. Cela me permet en quelque sorte de me distinguer des autres. Ce n’est pas en un jour que tu deviens un professionnel de la greffe. Cela prend des semaines, des mois, voire des années pour arriver à un stade où tu peux transmettre ces connaissances à des jeunes. »
Le retour de la population à la terre : une opportunité
Depuis une dizaine d’années, Capo s’est également lancé dans la plantation et le greffage d’arbres fruitiers comme les manguiers ou les avocatiers en sélectionnant toujours les meilleures variétés. Mais le besoin de la population pour les d’arbres fruitiers s’est vraiment fait sentir depuis l’arrivée du Covid19 sur le fenua.
« Depuis le confinement de l’année dernière, certaines personnes achètent mes gousses parce qu’ils savent que c’est le moment de planter des arbres fruitiers comme l’arbre à pain, le citronnier, le bananier ou l’oranger. Les gens se rendent compte en plus que la majorité de nos maladies proviennent de la nourriture que l’on mange. Ils se disent alors qu’il vaut mieux manger naturel. On ne sait pas en effet quels produits ont été introduits dans les fruits importés comme les pommes ou les abricots. »
Capo constate néanmoins que les ventes de fleurs ont chuté depuis le début de la crise sanitaire en raison de la perte des emplois dans le secteur du tourisme et aussi de l’annulation de certains événements majeurs comme les Floralies, les foires agricoles ou les marchés du terroir. Mais il reste tout de même confiant et croit à la reprise économique dans les mois qui arrivent.
Toatane RURUA
Rédacteur web
© Photos : Toatane RURUA pour Hommes de Polynésie