Ariitaia, un patron geek !
C’est l’histoire de Ariitaia TAUPUA, un polynésien très doué (pour ne pas dire surdoué), autodidacte et malin, qui, après une enfance difficile, a fini par prendre sa revanche sur la vie, et a créé sa propre entreprise dans l’informatique, la vidéo, et les créations numériques. Hommes de Polynésie l’a rencontré.
UN ENFANT REVEUR
Ariitaia se souvient de son enfance… une éducation à l’ancienne avec des parents divorcés. Il se remémore les nombreux coups qu’il prenait et l’interdiction de sortir de la maison. L’école n’était pas son truc, il était dans les derniers de sa classe et se définit à l’époque comme un rêveur.
Les années passaient et on se moquait de lui parce qu’il n’était pas habillé à la mode comme ses copains qui exhibaient des tricots de marque. Il se défendait en se bagarrant.
Ses passions d’enfant et d’adolescent c’était la pêche à Teahupoo, le football, le base-ball et les plongeons dans la rivière depuis le pont.
« Adolescent, je voulais faire de l’électronique et de la technologie »
Il rentre au lycée du Taaone. Ariitaia se met à faire du dessin industriel, à élaborer des plans. Il n’aimait pas spécialement tout ça mais décrochait des bonnes notes.
Lorsqu’il a décroché son BEP de topographie, il se souvient des larmes de sa grand-mère, pleurant d’admiration.
PETIT COUP DE BLUFF
Ariitaia vit chez sa grand-mère et arrive sur le marché du travail. Grâce à un petit coup de bluff, il arrive à intégrer la radio fm adventiste LVDL. Il avait simplement prétendu être ingénieur, et devient technicien son, apprenant tout sur le tas à coups d’observations… Une expérience qui durera six mois.
Le jeune homme enchaîne ensuite avec un poste de surveillant à l’école Mamao et passe son diplôme de secouriste. Beau gosse, il se souvient des compétitions de cross scolaires où des jeunes filles tombaient plus ou moins volontairement, pour attirer l’attention du beau secouriste.
Puis il est caissier au parking du centre Vaima. Son responsable de l’époque s’étonne vite du montant de ses encaissements, supérieur à celui des autres employés. Ariitaia avoue que le calcul mental des heures n’était pas évident et qu’il se simplifiait la vie en surfacturant allègrement…
« je deviens informaticien à l’Assemblée de Polynésie »
En 2002, il apprend que l’Assemblée de Polynésie recherche un informaticien. Il postule et est engagé pour s’occuper notamment de la sélection des fournisseurs informatiques de l’institution. Un CDD de deux ans qui s’achèvera avec un des fameux taui de cette période qui lui vaut de ne pas être renouvelé par la nouvelle équipe au pouvoir.
« j’intègre la flotille administrative et le G.I.P. »
Après quatre mois sans activité, un cousin parle du G.I.P. à Ariitaia. Le groupement aurait besoin d’un informaticien. Il rencontre Rere Puputauki. Il explique que l’Assemblée l’a viré, et c’était apparemment un argument suffisant puisqu’il est embauché immédiatement et commence à travailler sur le champ.
Il aura fait différentes choses au sein du G.I.P. qui l’éloignent de sa spécialité : de la conception de logos, au standard, jusqu’à docker chargé du chargement des containers sur les navires…Il se ménage aussi du temps pour pratiquer le va’a aussi souvent que possible.
Ariitaia est vite repéré pour ses talents dans l’électronique et les ordinateurs au point que de plus en plus de monde lui demande des conseils et lui confie des ordinateurs à réparer, ce qui est, le plus souvent, un jeu d’enfants pour notre geek passionné autodidacte.
DEVENIR SON PROPRE PATRON, MONTER SON ENTREPRISE
En 2015, après un divorce douloureux, Ariitaia déprime un peu et il est contacté pour une proposition de travail alléchante basée à Hong Kong. Très intéressé et excité, il vend sa voiture et sa pirogue dans l’optique de partir, sauf que la proposition lui a été faite par un baratineur dont il comprendra ensuite qu’il n’en est pas à sa première escroquerie.
Il fallait ensuite se remotiver et compter sur soi-même. C’est grâce aux méthodes de la Business Maker Academy de Steeve Hamblin (1) qu’il se passe un déclic et qu’il trouve la motivation nécessaire pour continuer dans ce qui est sa voie actuelle, l’entreprenariat, avec une nouvelle enseigne : Digi Evolution, terme plus large qui englobe toutes les possibilités du digital : graphisme, animation, web, réseaux sociaux, audio-visuel…
« je n’ai pas démarré de zéro : j’ai démarré de moins zéro ! »
Ariitaia se souvient qu’il a appris à faire un devis, à élaborer un business plan, pour gérer tous les aspects nécessaires à la vie de son entreprise, et il est de plus en plus à l’aise avec tout ça. Il part aussi du principe que « si je peux, tu peux ! »
Dans l’audio-visuel il fait aussi l’acteur dans un clip anti-tabac, dans une publicité ATN, dans des épisodes de MEGA LA BLAGUE, et il en profite à chaque fois, en bon autodidacte, pour observer la savoir-faire (de Manuarii Bonnefin par exemple) pour s’en servir plus tard.
Ses clients aujourd’hui sont essentiellement des entreprises start-ups locales. Il a également créé les logos en 3D d’un parti politique local et participé à sa communication lors des dernières élections territoriales.
LES PROJETS
Aujourd’hui Ariitaia s’équipe petit à petit du matériel dernier cri pour travailler de la manière la plus optimale. Par exemple, pour lui, les prises de vue en haute définition 4K sont déjà du passé, il est passé à la technologie suivante, le 8K…
« j’ai un rêve à propos de nos légendes polynésiennes »
Avec des étincelles dans les yeux, Ariitaia nous confie son rêve, auquel il s’attaquera un jour : celui de faire des films de fiction à partir de la richesse extraordinaire des légendes polynésiennes. Un peu comme le fait MARVEL avec les super-héros de l’univers comics.
Il pense aux créatures grecques comme le Minotaure et imagine très bien des films (pas des dessins animés) mettant en vedette les Dieux polynésiens et racontant leurs aventures, pour sublimer la mythologie locale. Peut-être retrouvera-t-on un jour Ariitaia dans un studio de Hollywood, scénariste et responsable des effets spéciaux chez Dreamworks ou Disney…
Laurent Lachiver
Rédacteur web
© Photos : Laurent Lachiver et Ariitaia