
TOREA ELLACOTT, UNE IDENTITÉ COMPLEXE QUI SE COMPLÈTE DANS LA CRÉATION
Dans la vallée de Papehue, au cœur d’une jungle intime, se trouve l’atelier de Torea Ellacott, « To » de son nom d’artiste. Hommes de Polynésie vous guide à la rencontre d’un créatif interdisciplinaire, à l’univers coloré et sensible.
DISTINCTION HÉTÉROCLYTE
Torea Ellacott est ce que l’on appelle ici un « demi ».
« Je suis un enfant des îles, multiculturel. Toute ma démarche artistique tourne autour de ça. »
Métisse, son identité est multiple.
« Quand tu ne corresponds pas aux normes ethniques de l’endroit où tu habites, c’est toujours un petit peu comme un quête identitaire que tu explores. »

Pourtant, To est bien entier. Funambule entre deux mondes, sa démarche en équilibre lui confère la sensation de voler dans un ciel conçu pour lui, par lui.
« Je vogue. Tōrea, c’est un nom d’oiseau, et je crois que j’ai toujours un peu plané. J’observe les choses de loin, et je régurgite ce que je vois. »
INSPIRATIONS ÉTINCELLES
Plus jeune, ses influences viennent d’ailleurs.
« Mes parents n’étaient ni musiciens ni artistes, il n’y avait pas d’instruments à la maison. »
Ce sont sur les murs du foyer que le goût se révèle.
« J’ai grandi entouré de grands amateurs d’art, au milieu de peinture et de musique. »
Des tableaux, des masques et des sculptures ornent les cloisons de son enfance. Des oncles et des tantes qui partent en voyage lui rapportent des livres de l’étranger, dont les pages regorgent de références d’un monde qu’il découvre en les feuilletant. Jean-Michel Basquiat, Andy Warhol, Keith Haring, tant de noms et d’univers qui le bercent et le nourrissent de rêves nouveaux.

« J’aime beaucoup Haring et son côté pictural très inspiré des hiéroglyphes. Il y a ce côté brut et cru du street art qui me parle. »
Une amie de la famille, qu’il considère comme sa maman fa‘a’amu, est, quant à elle, musicienne et chanteuse.
« Chez elle, il y avait cette vieille guitare qui traînait sur le mur. »
Cet objet l’intrigue et le fascine. Cependant, ce n’est que plus tard, lorsqu’il a 20 ans, qu’il apprend enfin à en jouer.

CALLIGRAPHIE MÉLODIEUSE
À une époque où l’Internet n’est pas à son apogée, c’est dans les livres que To se réfugie.
« J’ai toujours aimé lire, c’est ce qui m’a donné envie d’écrire. Je compose mes textes comme des poèmes. »
Timide, c’est pourtant cette passion qui le pousse à composer ses propres chansons.

« Je suis plutôt introverti et la musique, c’est l’extraversion. »
Avec des amis, ils forment leur premier groupe. Torea cumule déjà les écrits, notés depuis le collège dans les marges des cahiers, ou dans des carnets qui illustrent son imaginaire prolifique. Ils accompagneront leurs compositions.
« Pour moi, la musique, c’est l’art premier. Avant de peindre sur des murs, on a créé des sons. »
Ainsi naît Nyah, un groupe de musique alliant inspirations rock, reggae et punk pacifique.

INTERDISCIPLINARITÉ
En 2015, sa belle-mère lui offre de la peinture acrylique et des pinceaux.
« Le dessin est arrivé après Nyah. C’était une période assez tendu pour moi, celle de tous les abus. Ça m’a permis de faire sortir beaucoup de choses, comme une thérapie. La musique est un art de l’instant. La peinture, c’est plus doux, plus calme. C’est méditatif. »

To décrit ce nouveau médium comme une découverte inattendue.
MÉTAPHORES DU VIVANT ET DE L’ESPRIT
Rapidement, il se découvre un engouement particulier pour cette manière de créer et de transmettre ses émotions.
« L’art, c’est un passage de relais. On a été inspirés par quelque chose et le but, c’est d’inspirer d’autres gens par la suite. »
Dans ses tableaux bariolés, toutes sortes d’allégories se rejoignent, rappelant toujours cette face îlienne de son identité.
« J’ai des symboles qui reviennent beaucoup. Le premier, c’est le chat, le logo qui rappelle mon nom de famille. La tortue, elle, vient d’un pétroglyphe de Ofai Honu (la pierre des tortues), qui se trouve à Bora Bora sur notre terrain familial. Je l’utilise pour parler de l’extinction des espèces et de la culture. »

« Les oiseaux, sous forme de triangle simple ou doublé, c’est toute la symbolique qu’on peut y trouver : la liberté, le fait de prendre de la distance. »
À travers ses œuvres chatoyantes, To passe des messages à la fois universels et si particuliers à nos archipels : l’écologie, la soif d’indépendance et la fierté de son identité.
« Même si je ne vis pas de mon art, je pousse tous les gens à pratiquer leurs passions autant que possible. C’est important pour la santé mentale. Faites ce qui vous plaît. »

Pour célébrer 20 ans de musique et 10 ans d’expression picturale, Torea exposera ses
œuvres à la brasserie Hoa dès le 4 septembre 2025. Venez découvrir son travail !

Rédactrice
©Photos : Cartouche Louise-Michèle pour Hommes de Polynésie
Directeur des publications : Yvon Bardes