Avec Toanui, petit tour dans la section danse du Conservatoire artistique de la Polynésie française
Il aime partager sa culture et se bat pour la faire vivre au quotidien par le biais de la danse tahitienne. L’esprit de troupe le transporte, la création lui permet de s’exprimer pleinement car « parfois, il y a des choses que les mots ne peuvent pas dire, mais que la danse peut mieux révéler ». Hommes de Polynésie a rencontré Toanui Mahinui, jeune homme de 27 ans, pour qui la culture du Ori Tahiti et la transmission des savoirs semblent aussi importantes que l’air qu’il respire.
Ses débuts dans le Ori Tahiti
C’est à 19 ans, alors étudiant à l’Université de Polynésie Française, que Toanui entre dans le monde de la danse en participant à un Heiva avec le groupe Toareva de sa tante Manouche Lehartel en 2007.
« J’y suis allé par le biais de de mon cousin Tuarii Tracqui qui a lui commencé la danse en 2007. Je ne suis pas tombé dedans tout petit, mais on va dire qu’on avait déjà le rythme dans la peau. Dans la famille, avec ma sœur, on danse, on adore ça. »
Par la suite, il a participé à plusieurs heiva avec Hitireva, Toakura, Hei Tahiti, à de nombreux évènements culturels comme le Hura Tapairu. Aujourd’hui, le sourire aux lèvres il avoue : « là maintenant, je suis accro ». C’est riche de la vision des différents chefs de groupes qu’il a pu côtoyer que sa perception de la danse s’est faite.
De fil en aiguille, baignant dans le milieu de la danse tahitienne, Vanina Ehu, professeure coordinatrice titulaire responsable de la section danse au Conservatoire de Polynésie Française, en recherche d’un professeur prestataire, lui propose une place de professeur de danse tahitienne.« J’ai saisi l’occasion, c’est une chance ! »
Le Ori Tahiti au Conservatoire
Au conservatoire du lundi au vendredi de 9h à 18h, Toanui prépare les chorégraphies, travaille sur les thèmes, sur les textes, pour que ses élèves aient un bon résultat au gala de décembre du conservatoire et en juin à Toata, et les entraîne à la danse. Souvent chez les enfants, Toanui constate des petits problèmes : « Je passe plus de temps à leur apprendre le respect envers eux-mêmes. Au travers de la danse, l’approche change. »
Je lui demande de m’expliquer un peu quel serait le parcours « sans faute » d’un enfant qui rentrerait tout jeune dans la section Danse. En voici un résumé :
CURSUS de danse complet Conservatoire
- Filles et garçons à partir de 4 – 5 ans : 2 ou 3 ans d’initiation
- Cycle 1 : de 7 à 11 ans (écoliers)
- Durée 3, 4 ou 5 ans selon les cas
- 4H par semaine
- 1H de chant 1H de danse les mercredis et vendredis
- Examen en fin de cycle
- Cycle 2 : de 11 à 15 ans (collégiens)
- Durée 4 ans
- 4H ou 5H par semaine
- 4H par semaine : 1H de chant 1H de danse les mercredis et vendredis
- B.E.T (Brevet d’études traditionnelles) en fin de cycle
- B.E.T : 5H par semaine – Des unités de valeur en chant, orero, percussions, culture et civilisation polynésienne, ukulélé, guitare sont proposées en plus de la danse.
- 4 Unités de valeur à valider : L’élève doit valider la culture et civilisation polynésienne obligatoire (1H par semaine) avec mention « Bien », et avoir la mention « Très bien » dans la discipline dominante.
- Cycle 3 : de 15 à 19 ans
- Objectifs :
- Développer un projet artistique personnel
- S’intégrer au projet d’un groupe
- Accéder à une pratique autonome
- Analyser des œuvres chorégraphiques
- Développer l’endurance
- Approcher la virtuosité
- C.E.F.E.T (Certificat de Fin d’Etudes Traditionnelles) en fin de cycle 3
- 4 Unités de valeur à valider.
- Objectifs :
- Cycle 4 : élèves ayant le projet d’exercer une activité professionnelle dans le champ de l’art chorégraphique
- Accomplissement de la dimension artistique en tant que projet de réalisation personnelle
- Autonomie dans l’appropriation de la danse en tant que langage artistique et dans l’expérience de l’interprétation
- Travaux personnels et collectifs
- D.E.T (Diplôme d’Etudes Traditionnelles) en fin de cycle 4, qui correspond à la « médaille d’or » du conservatoire
- 4 Unités de Valeur à valider
Les élèves sont notés pendant les cours, en examen continu, mais aussi à chaque fin d’année pour passer à l’année suivante. A chaque fin de cycle, un examen a lieu avec un jury compétent qui leur permet de passer ou pas dans le cycle suivant. Toanui est titulaire du Diplôme d’Etudes Traditionnelles.
« Avec ce diplôme d’études traditionnelles, on peut être prof, mais pour enseigner au conservatoire, en tant que titulaire, c’est que sur concours. Nous sommes six profs de danse en tout. Deux titulaires, Vanina EHU et Erena UURA, et 4 prestataires, 3 femmes et un seul homme, moi. Nous sommes accompagnés par des musiciens titulaires.»
Il est bien sûr possible de commencer à tout âge, et pas forcément à 4-5 ans : l’élève sera dirigé dans le cycle des élèves de son âge.
Des bases pour s'exprimer plus facilement par la suite
Pour Toanui, au Conservatoire artistique de Polynésie française, « on doit garder les traditions. Cela permet de partir sur une base solide. C’est avec ça que tu pourras faire tes propres chorégraphies. Tu as les bases, puis tu évolues à ta convenance. On est complémentaires avec les groupes. »
Toanui a eu l’occasion de créer un spectacle inédit « TUMU AO » avec Vaiana MAHINUI, sa cousine. Pourquoi inédit ? Parce qu’il mêle deux arts différents : le pôle dance et la danse tahitienne. On peut dire que c’est une histoire de famille puisque son cousin Tuarii Tracqui, est aussi l’auteur de l’histoire.
Présenté en juin 2017 à la Maison de la Culture, TUMU AO a eu un excellent accueil du public.
« On s’est bien amusé. C’est un vrai spectacle avec des musiciens traditionnels et de musique classique. 30 élèves de l’école de danse Pole Art et une dizaine de danseurs de Ori Tahiti. Les costumes étaient magnifiques, plusieurs personnes nous ont aidé, notamment ma tante Manouche Lehartel. » Un deuxième spectacle est prévu pour mai 2018.
Les projets de Toanui ? « Juste être heureux ! », me dit-il dans un grand éclat de rire.
« J’essaye de gagner ma vie du mieux que je peux. Si c’est en faisant ma passion, tant mieux. Mais pourquoi pas monter ma propre troupe un jour ? J’aime le Heiva, la fête, que ce soit joyeux, alors qui sait ? »
Tehina de la Motte
Rédactrice web
© Photos : Tahiti Pole Art, Toanui Mahinui, Vatea Roche et Hommes de Polynésie