
Teikitutaua Pablo, tatouer les murs pour faire vivre la culture marquisienne
Originaire de Ua Pou, aux îles Marquises, Teikitutaua Pablo a grandi dans un univers où la culture se vit au quotidien. Entre le haka, la sculpture et l’art transmis par ses parents, il s’est forgé une identité profondément marquée par ses racines. Aujourd’hui, il met ce patrimoine au service d’un projet original : MK Patu Design, une entreprise qui mêle tradition et modernité en transposant les motifs marquisiens sur des supports inattendus, notamment les murs. Pablo a accepté de partager avec Hommes de Polynésie son parcours et sa vision.
Un héritage marquisien
La danse, la sculpture et les savoir-faire traditionnels ont façonné l’identité de Teikitutaua. Cet héritage est aujourd’hui la base de son projet artistique.

« J’ai grandi dans la culture de l’art, mais aussi dans la culture culinaire. Avec mes parents, nous passions notre temps à la maison à apprendre et à transmettre cette culture marquisienne. »
Le Haka dans le sang
Avec émotion, il revient sur ses premières expériences du haka, dès l’âge de 5 ans. Cette danse a en effet été une façon pour Pablo d’incarner la force des traditions. Il a d’ailleurs participé au Festival des Arts des Îles Marquises à l’âge de 13 ans, en 1995 à Ua Pou.

« À 5 ans, je voyais certains aînés, mes frères et sœurs, pratiquer le Haka marquisien. Cela m’a donné envie de les rejoindre. Apprendre cette danse n’était pas facile. En tant qu’enfant, il était difficile d’intégrer les adultes, pour qui tout devait être parfait, surtout la synchronisation des gestes. Petit à petit, de 5 à 10 ans , j’ai réussi à m’intégrer. Mon chef de groupe m’a ensuite accueilli à ses côtés. J’ai continué jusqu’à aujourd’hui. Le Haka est resté dans mon sang. »
Le tatouage comme révélation
S’il n’y pensait pas au départ, le tatouage est pourtant devenu une évidence pour Pablo lors de son séjour en France, où il travaillait comme guide de jet-ski dans le tourisme nautique. Loin de ses îles, il a pris conscience de la puissance des symboles marquisiens et de leur rôle essentiel dans la construction identitaire.

« Au début, le tatouage ne me plaisait pas, à cause de la peur de la douleur, de l’idée de faire mal aux gens ou de voir ces motifs sans en comprendre les significations. C’est grâce à mon cousin Tainui Ah-Lo (tatoueur), que j’ai revu en France, qui m’a remis sur les traces de mes ancêtres et de leurs motifs. Au fil des années, en découvrant les significations et les détails de chaque motif, et en lisant les ouvrages de Karl von den Steinen puis de Teiki Huukena, tout cela m’est apparu comme un trésor caché par les missionnaires Européens.»
MK Patu Design : quand le tatouage marquisien s’invite sur les murs
Après 10 ans à tatouer en Europe et aux Marquises, il s’installe sur Tahiti, Pablo décide de se démarquer. C’est alors que sa compagne lui propose une piste inattendue : transposer les motifs marquisiens sur des murs. Aujourd’hui, ses fresques habillent des maisons, des espaces publics et des lieux de vie, apportant une identité unique à chaque projet.

« Beaucoup tatouaient déjà à Tahiti. J’ai décidé d’innover. Ma compagne m’a dit : “Et si tu tatouais les murs ?”. Au début, j’ai trouvé cela étrange et je ne pensais pas que ça marcherait. Mais en essayant j’ai vu que les gens aimaient. Comme sur la peau, je pars d’une histoire personnelle pour la transcrire sur un mur, sauf que là ça prend une autre dimension. »
Un savoir-faire unique
Grâce à son expérience, Pablo maîtrise les matériaux et leur durabilité. Pour lui, un mur devient une toile, comme une peau à tatouer.

« J’ai travaillé pendant huit ans dans le gros œuvre en bâtiment. Le fait de tatouer sur les murs est devenu plus facile pour moi car je sais désormais quel produit ou quelle préparation utiliser selon le matériau avant de peindre. Je peins des murs avec des motifs qui reflètent vraiment l’histoire de la personne et sa famille, car chaque fresque dépend de ce qui l’entoure.»
Innovation et créativité au service des motifs marquisiens
Avec Patu Design, Pablo ne se limite pas aux murs. Sa créativité l’amène à explorer de nouveaux supports. Toujours en quête d’innovations, il imagine sans cesse de nouvelles façons de partager les motifs marquisiens.

« Aujourd’hui, je ne peux pas travailler uniquement sur les murs. Il faut savoir qu’ici à Tahiti, il existe de nombreux hébergements comme Airbnb, les pensions de famille ou les maisons à louer. Les personnes qui y séjournent me disent souvent qu’elles auraient aimé profiter de ma prestation, mais comme elles ne sont pas propriétaires, cela leur est difficile. Pour répondre à cette demande, je propose des alternatives, sur des supports variés : toiles, tableaux, tapas, cartes souvenirs ou même voitures. »
Exporter son concept dans le monde
Avec Patu Design, Pablo souhaite aller plus loin que la Polynésie. Il rêve d’exporter son concept et de tatouer des murs dans autour du globe. Mais son objectif reste le même : faire vivre les symboles marquisiens, où qu’il soit.


Rédacteur
©Photos : Teikitutaua Pablo pour Hommes de Polynésie
Directeur des publications : Yvon Bardes