Heretu Tetahiotupa, « traceur de routes » marquisien
Depuis la récompense par le prix du Public de son documentaire « Patutiki, l’art du tatouage des îles Marquises » au FIFO 2019, son nom est sur toutes les lèvres. D’autant que Heretu fait partie de la grande famille des Tetahiotupa. Pour autant, il a su tracer en autodidacte sa propre voie vers l’art : musique, tatouage, cinéma. Sa vision de la culture marquisienne est holistique, à la manière des Anciens. Hommes de Polynésie l’a rencontré à la veille du Matava’a qui se tiendra à Ua Pou du 16 au 19 décembre. Heretu y pratiquera notamment le tatouage traditionnel avec l’association Patutiki.
Musique et langue marquisienne : retour aux sources
Ce jeune homme de 27 ans grandit à Nuku Hiva, avant de s’installer à Tahiti, où il crée un groupe de musique avec des amis. Peu emballé par l’idée de reprises en anglais, très vite s’impose à lui la volonté d’innover. Et pour apporter de l’originalité à son travail artistique, il mise sur son métissage.
Lors de vacances aux Marquises, il compose, mélange styles et langues, et c’est la révélation.
« Je sentais que j’avais envie de donner ma vie pour ce que nous étions en train de créer, ensemble, avec mes amis. Depuis, je ne suis plus reparti des Marquises. Je me suis installé en vivant de la pêche et de l’artisanat pour comprendre tout ce qu’on ne nous apprend pas à l’école. »
Mais le point clé, c’est la langue : sa musicalité, son rythme, sa mélodie. Il s’y plonge à 200 %, dépasse les moqueries, persévère et progresse jusqu’à la parler couramment.
L’aventure Patutiki : plongée au cœur du tatouage marquisien
Vient le temps du projet de documentaire Patutiki, qui cristallise cette quête de sens grâce à l’association du même nom. Avec Teiki Huukena, ils font un tour de repérage des Marquises qui les immergera pendant 3 mois dans les 23 vallées des 6 îles habitées.
« Et pour que les gens se livrent, il fallait passer par le marquisien. Au cœur des Marquises H24 pendant plusieurs mois, je me surprends même à rêver dans ma langue paternelle. »
Toujours inspiré par le fait océanien, c’est lors d’ateliers que Heretu utilise pour la première fois une caméra. Quatre ans plus tard, il pitche le projet du documentaire « Patutiki » devant des professionnels de l’audiovisuel. Après une aventure de deux ans et demi, vient le prix du Public du 16e FIFO.
Mais l’aventure ne s’arrête pas là, bien au contraire. L’équipe du documentaire s’est rendue dernièrement aux États-Unis afin d’améliorer la technique du film, pour les festivals internationaux.
Festival Eo Himene : laboratoire d’expérimentation musicale
Penseur et artiste complet, Heretu se renouvelle sans cesse. Et notamment grâce au festival de musiques actuelles ‘Eo Himene’ depuis 2014, dont il est membre organisateur et musicien avec Kiva, son groupe de métal marquisien. L’objectif de cet événement musical, dont la 4e édition devrait avoir lieu en novembre 2020, est « l’expression musicale des artistes marquisiens ».
« ‘Kiva’ pour ces pierres lourdes et denses près de la plage, pour les pierres de fronde, le plomb, l’ancre, ou encore les légendaires traceurs de route du Pacifique. »
L’art et la culture marquisienne comme un tout
Heretu a animé sa première conférence lors de la dernière convention du tatouage, en novembre 2019. Il semble se plaire à transmettre ce qu’il apprend in situ de sa culture. Lorsqu’on l’interroge sur ses projets pour la suite, il préfère délaisser le terme « objectifs » pour « vision ».
« Dans ma quête d’authenticité, j’aime transmettre cette vision du monde qu’avaient les Anciens. Car si on y réfléchit, c’est un exploit extraordinaire que de vivre sur une île avec des ressources limitées, c’est déjà une réponse durable aux limites de notre société actuelle. Le plus important, c’est la réflexion sur les temps anciens. »
1 Merci Heretu, bon courage!
Vaea D.
Rédactrice web
© Photos : POLYNESIA TATAU Tattoo convention – Tahiti, FIFO, Festival Eo Himene