Gilles Lovisa, le festival « Tatau i Moorea » pour favoriser les échanges culturels autour du tatouage traditionnel
Gilles Lovisa, tatoueur à Moorea depuis 25 ans, consacre toute son énergie avec une équipe de bénévoles pour organiser le festival « Tatau i Moorea » qui aura lieu du 12 au 19 septembre 2018. Il a contribué à fonder pour cela une association « Mana Tatau Maohi » dirigé par le musicien Sam Huna et le tatoueur Laurent Purotu. Hommes de Polynésie est allé à la rencontre de Gilles sur les lieux du Festival à Atitia sur l’île de Moorea.
Rendre hommage aux anciens qui ont permis de faire renaître le tatouage en Polynésie : « La movida de Moorea »
Depuis 25 ans, Gilles est tatoueur à Moorea. Il est arrivé au tatouage par le dessin et les plans d’architecture d’une part, et par amour de la culture polynésienne d’autre part.
« Au début, le tatouage était vraiment marginal. À titre personnel, pendant 8 ans, je ne rentrais pas dans mes frais et je n’avais pas assez d’argent pour me payer le ferry et aller à Tahiti. Aujourd’hui, je continue à travailler de façon traditionnelle au « taptap » en continuant à pratiquer des prix corrects. »
Quand Gilles évoque la période du renouveau du tatouage en Polynésie à la fin du 20ème siècle, il la compare à la « movida espagnole », ce mouvement culturel qu’avait connu l’Espagne post-franquiste avec un foisonnement d’idées créatives portées par une volonté de renouveau de la jeunesse. À Moorea et en Polynésie, le tatouage est passé en l’espace de quelques années d’une pratique mal vue à une mode qui s’exporte aux confins de la planète. Les pères de la « movida » de Moorea sont Chimé, Roonui ou Purotu, véritables fers de lance du tatouage tribal et ethnique qui fera la gloire du tatouage polynésien.
« À l’époque, sans internet, on essayait de reproduire des motifs marquisiens et tahitiens aperçus dans un livre ou sur quelqu’un. On s’est mis à faire des dauphins, des tortues aussi. En parallèle, de plus en plus de touristes ont souhaité aussi se faire tatouer. On était loin du tatouage business d’aujourd’hui, c’était vraiment artisanal mais très vite, on a tenu à se mettre aux normes en termes d’hygiène. »
C’est pour rendre hommage aux anciens que Gilles investi depuis un an tout son temps pour organiser le festival « Tatau i Moorea » avec une équipe de bénévoles (qui recrute encore actuellement, n’hésitez pas à contacter Gilles !). Fin septembre, plus de 80 tatoueurs en provenance du triangle Pacifique (Nouvelle-Zélande, îles Cook, Samoa, Hawaï, Rapa Nui, Tahiti, Marquises), de l’Asie (Papouasie-Nouvelle Guinée, Malaisie, Japon, Philippines, Thaïlande, Bornéo, Taiwan) ou encore d’Europe feront le déplacement jusqu’à Moorea.
« Nous mettons tout notre cœur pour construire les fare des tatoueurs qui feront le déplacement. En plus des 4 fare traditionnels pour les Anciens de Moorea, nous faisons du sur-mesure pour chaque tatoueur. Et on a tenu à faire en sorte que ce soit gratuit pour les exposants. On n’est pas là pour gagner de l’argent, au contraire pour organiser une fête du tatouage et montrer le sens de l’accueil des Polynésiens et en particulier à Moorea. »
Favoriser les échanges culturels autour du tatouage en mettant en valeur notre savoir-faire
Plusieurs délégations viendront avec des danseurs, des sculpteurs ou des peintres traditionnels comme les maoris de Nouvelle-Zélande (composés de 27 personnes) afin d’en faire un événement culturel qui rassemble encore au-delà du tatouage. L’idée de Gilles est de faire en sorte que cet événement revienne tous les 3 ans à Moorea. En effet, le dernier grand rendez-vous du tatouage en Polynésie avait été organisé à Raiatea en 2000.
« Notre ambition, c’est de faire en sorte qu’il se passe tout au long de la semaine des échanges culturels, un lieu de créativité pour les artistes et le public présents. Au-delà du tatouage en tant que tel, nous aurons des danseurs, des musiciens et des sportifs traditionnels polynésiens. »
À l’heure où le tatouage polynésien est devenu « à la mode » dans le monde entier, Gilles estime qu’il est important de prouver que des événements culturels ambitieux peuvent voir le jour, hors de toute volonté de « faire du business » mais plutôt de favoriser les échanges et l’émulation entre les artistes et le public.
« Dans les salons internationaux, le tatouage polynésien est passé de la catégorie de tatouage tribal-ethnique à celui de tatouage ornemental. C’est pourquoi il est important de faire des événements comme le Festival afin de montrer toute la culture qui entoure le tatouage. L’aspect esthétique est important dans un tatouage, mais pour le comprendre complètement, il faut plonger dans le contexte culturel. »
Gilles tient à remercier la mairie de Moorea ainsi que ses partenaires Air Tahiti Nui et la Brasserie de Tahiti qui ont aidé l’association. En outre, la pension Toere a également contribué à aider le festival. Il espère obtenir d’autres aides car l’association doit faire face à de nombreux coûts afin de finaliser la préparation du festival même si Gilles parvient à faire de nombreuses économies grâce au travail des bénévoles notamment. Il faut reconnaître qu’à l’instar de la danse ou du ukulele, le tatouage polynésien est connu dans le monde entier. De quoi en faire pour les autorités politiques locales un instrument de politique d’influence (soft-power) pour la Polynésie. C’est d’ailleurs pourquoi Gilles tient à envoyer tous les ans des représentants de la Polynésie au salon international de tatouage de Palma de Majorque en Espagne.
« Ce festival Tatau i Moorea, nous y mettons tant de cœur dans son organisation car nous sommes fiers de la place de la Polynésie, et de Moorea en particulier, dans le paysage mondial du tatouage. C’est un prétexte pour mettre à l’honneur la culture polynésienne et notre sens de l’accueil tout en rendant hommage aux Anciens. »
Plus d'informations
Sur la page Facebook du Festival Tatau i moorea
Et pour contacter Gilles par mail : tatauimoorea@gmail.com
G. C.
Rédacteur web
© Photos : G. C. et Gilles Lovisa