Rémi le barbier connecté !
C’est un homme passionné par son travail que nous vous présentons aujourd’hui. Un coiffeur pour hommes mais aussi barbier, un métier à part entière que l’on retrouve dans son enseigne. Rem’s, un jeune homme issu d’une famille modeste de la région parisienne qui a ouvert le seul « barber shop » de Polynésie. Il raconte son parcours à Hommes de Polynésie
Rem’s nous reçoit dans son salon à la déco soignée, aussi épurée que confortable, dans une ambiance cosy noir et blanc, avec des canapés en cuir où le client vient patienter en attendant sa coupe ou même simplement discuter et prendre un café. Car la convivialité est une priorité pour ce jeune patron.
« mon établissement n’est pas un salon de coiffure, c’est un barber shop »
Certes, cet endroit est fait pour les hommes qui veulent une belle coupe de cheveux et une taille de barbe soignée et millimétrée, mais Rem’s insiste sur le fait qu’il doit aussi être un endroit d’échanges et de rencontres. Car le jeune chef d’entreprise précise d’emblée que l’on ne peut pas faire ce métier si l’on ne s’intéresse pas aux gens.
LA JEUNESSE D’UN ADO DE BANLIEUE
Rem’s est issu d’une famille modeste vivant dans un HLM de Vitry sur Seine, une banlieue parisienne « pas très glamour ». Il était un élève aux résultats irréguliers pouvant récolter des 18 sur 20 comme des 2 sur 20, se qualifient lui-même de feignant… il suit une classe de 1ère STI, en électro-technique.
« les études allaient prendre du temps, j’ai décidé de tout arrêter pour travailler, et comme ma mère me voyait souvent me coiffer devant un miroir, elle me dit un jour : tu n’as qu’à faire coiffeur ! »
Sauf que, à 16 ans, personne ne veut l’embaucher et il se dirige vers un CAP en alternance, c’est-à-dire apprendre un métier tout en étant payé une misère (27% du SMIG) mais il était content de toucher un peu de sous. Et comme il ne savait pas quoi faire de ses dix doigts, c’est donc une remarque anodine de sa maman qui lui suggère de faire de la coiffure puisqu’elle le voyait se coiffer minutieusement devant un miroir le matin avant d’aller à l’école.
Il s’inscrit dans un CFA (Centre de Formation pour Apprentis) où il fait, en alternance, trois semaines en entreprise et une semaine d’école, ce qui lui permet d’obtenir son CAP coiffure.
« je continue vers un brevet professionnel »
Il passe ainsi deux années comme apprenti dans un salon, puis, voulant évoluer, il tente le brevet professionnel, qu’il obtient, un brevet styliste visagiste qui lui permet d’améliorer sa technique. Et en métropole, c’était justement le diplôme nécessaire pour qui voulait ouvrir un salon de coiffure. Il enchaîne ensuite les expériences de salon en salon.
Celui qui l’a marqué était situé à cinq minutes de chez lui, tenu par un patron portugais, Mr Antonio Machado, auprès de qui il a beaucoup appris et qui a été son confident. Dans les pays latins comme le Portugal, on avait des salons séparés entre les hommes et les femmes. Un professionnel perfectionniste, soucieux du détail, que Rem’s essaye d’appliquer aujourd’hui au quotidien, confessant qu’il en apprend encore tous les jours.
« un de mes meilleurs copains m’a forcé à me mettre un coup de pied au cul, pour avancer dans le métier »
C’est un vieux copain qui le prend par la main en le boostant pour qu’ils avancent et progressent ensemble. Tous les deux se mettent à faire leurs CV et vont les distribuer un peu partout dans les beaux quartiers. Il a eu plusieurs propositions et son choix s’est arrêté sur un salon de la rue Marbeuf, près des Champs-Elysées.
ÊTRE COIFFEUR EN CHINE
Dans l’un des salons où Rem’s a travaillé, une des patronnes avait son père qui était coiffeur à Hong Kong, de passage à Paris. Presque sur le ton de la plaisanterie, il se dit qu’il aimerait bien aller bosser là-bas. Et après la rencontre avec ce monsieur, on lui propose d’aller tenter l’expérience à Hong Kong dans son salon, période pendant laquelle il serait logé, nourri, blanchi…
Cela dure quelques semaines jusqu’au jour où le patron ne pouvant plus le garder, lui propose deux salons tenus par des amis, toujours en Chine, l’un à Shanghai, l’autre à Shenzhen. C’est cette dernière destination qu’il choisit, plus proche de Hong Kong et se retrouve dans un salon sino-coréen, où le personnel avait du mal à communiquer entre eux et où Rem’s débarquait parlant seulement anglais. Situation trop compliquée, qui arrivait trop tôt dans sa carrière (il n’avait que 18 ans) et il décide de rentrer en France.
LE COUP DE FOUDRE POUR UNE JEUNE TAHITIENNE
Lors d’une soirée parisienne, Rem’s rencontre une étudiante polynésienne avec qui il passera deux années à Paris, avant de rentrer au fenua.
« Quand nous sommes arrivés ici, je me suis dit que j’allais monter mon salon tout de suite… »
C’est elle qui convainc son tane de ne pas monter son salon dès son arrivée au fenua et qui le conseille de tenter la coiffure à domicile, pour se faire connaître de la population locale, pour gagner leur confiance.
Et elle avait bien raison puisque c’est ainsi que Rem’s s’est fait connaître, toujours par le bouche-à-oreille si efficace à Tahiti. Une expérience qui dure quatre ans pendant lesquels on commence à voir, sur les réseaux sociaux, les photos des coupes impeccables qu’il réalise, arrivant parfois à des relookings spectaculaires.
« il y a 15 ans que je pense à ouvrir mon propre établissement réservé aux hommes»
Le projet d’être à son compte, dans un « barber shop » ayant pignon sur rue, il le mijote depuis des années. En France c’était trop compliqué à cause d’une énorme concurrence, et comme il voulait se diriger vers un salon pour hommes, c’était encore moins facile. Rem’s précise qu’il a coiffé des femmes lors de ses emplois dans différents salons, mais il voulait absolument créer une ambiance masculine, où l’on viendrait se faire coiffer et tailler la barbe comme on va voir un pote.
Il ne faut pas lui parler de teinture, de lissage de cheveux. Il n’y a pas de bigoudis dans le « shop » de Rem’s. Barbier était une spécialité dans la coiffure qui s’est perdue et qui revient un peu à la mode aujourd’hui.
Il ne veut pas s’étendre en commentaires sur ses concurrents locaux mais il tient à faire la différence entre un salon de coiffure mixte et un « barber shop », concept totalement différent qui intègre une ambiance conviviale, comme un coffee shop où l’on vient papoter. Le barber’s shop reconnaissable à son « pole barber », l’enseigne typique de la profession de barbier, en forme de cylindre rotatif vertical bleu blanc rouge…
« aux Etats-Unis, on trouve des barber shops où les gens viennent pour se rencontrer entre hommes, pour faire des parties d’échec, et, éventuellement, se faire coiffer. Moi je veux que les clients viennent comme ils vont voir un copain, et qu’ils se sentent à l’aise comme s’ils étaient chez eux dans leur living room »
Rem’s est aussi devenu une figure locale sur Facebook, publiant régulièrement ses coupes en photos ou en vidéo, comme récemment où l’on voit une vraie métamorphose d’un jeune homme arrivant avec une coiffure à la Jackson Five et qui repart, avec une coupe soignée, au millimètre.
Il devient d’ailleurs très populaire sur les réseaux sociaux, on le voit imiter le cuisinier turc surnommé Salt Bae qui s’est rendu célèbre avec son geste particulier pour saler la viande, et que Rem’s reproduit sous forme de clin d’œil avec des cheveux coupés. Une popularité qui le surprend, comme lorsqu’on le reconnait en ville en lui demandant de faire un selfie avec lui.
L’AVENIR DE REM’S BARBER SHOP
Aujourd’hui, Rem’s a un carnet de rendez-vous très rempli. Sa réputation et la qualité de ses prestations sont reconnues. Il est intarissable sur son métier. Il reconnait qu’il ne sait pas tout faire, comme les dessins structurés au rasoir dans les cheveux, les teintures ou le lissage.
Dans ce cas, il n’hésite pas à orienter les demandes vers des collègues concurrents qui ont un savoir-faire particulier. C’est un chef d’entreprise qui forme actuellement un jeune apprenti très doué qui, à l’issue de sa formation, deviendra son employé.
Rem’s, un professionnel modeste mais truculent, quasiment artiste, qui fait son travail avec la précision et le geste qui évoquent les traditions ancestrales perfectionnistes du compagnonnage.
Laurent Lachiver
Rédacteur web
© Photos : Hommes de Polynésie