Hirohiti, décrypter les flots et les courants marins
Hirohiti Raapoto est actuellement post-doctorant (CDD de chercheur) à l’université de Polynésie Française (UPF). Il travaille sur la dérive des DCP dérivants (dispositifs de concentration de poisson) dans notre ZEE. Depuis son ordinateur, il cherche à déceler le comportement du phytoplancton… Ces petites algues qui forment la base de la chaîne alimentaire marine. Hommes de Polynésie l’a rencontré.
Une curiosité au fil des rencontres
Hirohiti grandit à Tahiti et effectue sa Licence à l’Université de Polynésie Française avec l’objectif de devenir professeur. Très vite, il s’aperçoit qu’il veut aller plus loin, pousser ses connaissances et apprendre. Il part réaliser son Master en météorologie et océanographique à l’Université de Toulouse et découvre le monde de la recherche. De retour en Polynésie, il rencontre Téa Frogier, aujourd’hui Ministre de l’Éducation, qui était à l’époque à la Direction de la recherche. Il réalise qu’il y a beaucoup à faire en Polynésie.
« Je cherchais à contribuer à l’évolution de la Polynésie… En métropole, beaucoup de thèses étaient proposées sur la mer Méditerranée… mais ça ne me parlait pas ! »
La voie d’un doctorat s’ouvre à lui.
« J’ai rencontré Élodie Martinez qui travaillait sur la Polynésie et en particulier sur les Marquises dont les eaux sont très riches. De fil en aiguille, j’ai commencé ma thèse dans l’unité de recherche Écosystème Insulaire Océanien (UMR 241 EIO). »
Comprendre pour mieux préserver
Hirohiti apprécie la richesse de son sujet qui croise la physique, la biologie, la chimie ou encore l’informatique. Son objectif est simple : comprendre l’origine du développement intense du phytoplancton aux Marquises, ces petites algues qui forment la base alimentaire de la faune marine.
« En comprenant son origine et son évolution, on pourra par exemple prévoir certains des impacts du changement climatique sur les eaux marquisiennes. »
Dans son travail, le terrain est encore vierge, beaucoup de choses restent à faire.
« Mon travail consiste à mettre en place un modèle océanographique pour l’archipel en me basant sur des instruments de mesures in situ et des images satellitaires. Il y a encore tout à faire pour le lier avec les grands pélagiques tels que les thons. »
Autre atout de ses recherches, l’observation de différents phénomènes, notamment celui des « tourbillons cycloniques ».
« En fait, ce sont des tourbillons marins qui sont créés juste derrière les îles, on peut en observer derrière les rochers au milieu d’une rivière. Selon leur sens de rotation, ils vont « mélanger » les eaux et vont avoir comme effet d’apporter vers la surface, des eaux plus riches en sels nutritifs. »
Les sels nutritifs constituent la nourriture pour le phytoplancton.
« Résultat ? Des blooms de phytoplancton, et plus de poissons attirés par toute cette nourriture. »
Pour Hirohiti, ses modèles informatiques sont un vrai défi qui pourront avoir des applications très concrètes dans la préservation du milieu. Il lui tarde de soutenir sa thèse pour peut-être commencer un post-doctorat, et qui sait ? Tester ses connaissances sur le terrain !
Quand les rêves prennent le dessus
« Jamais je n’aurais imaginé faire de longues études… Si j’avais un conseil, ce serait peut-être ça… Faites des études qui vous plaisent même courtes ! Personnellement, grâce à mes études longues, j’ai appris la persévérance, j’ai fait des rencontres exceptionnelles qui m’ont aidé dans mon parcours… Et ça, ça n’a pas de prix. »
Amoureux de sa terre et attaché à ses racines, Hirohiti s’adonne à la batterie et à la guitare dès qu’il le peut. Avec un ami, ils ont créé le groupe Heroes & Minivans.
« Quand on était en métropole, on faisait nos compositions à distance car lui était à Limoges et moi, à Marseille… Je ne sais pas si beaucoup de groupes travaillent comme ça ! »
Voilà bien ce qui définit ce jeune homme de 31 ans, porté par les opportunités et les envies, il concrétise ses rêves au fil des rencontres.
« Je pense que j’ai un bon mana, une bonne aura… J’ai développé des compétences professionnelles mais finalement, c’est en écoutant mes rêves que j’ai pu faire ma thèse ici… »
Et s’il y a bien quelque chose qui est essentiel à Hirohiti, c’est de travailler ici, en Polynésie, chez lui, au service d’un développement durable et préserver son fenua qu’il aime tant.
Céline Hervé Bazin
Rédactrice web
© Photos : Céline Hervé Bazin (couverture), Hirohiti Raapoto