Le pari de Nicolas : du bio, de la qualité, dans des îles préservées et uniques
Vouloir venir investir dans les îles en Polynésie, c’est un challenge, un risque. Il faut posséder un état d’esprit entrepreneurial, ne pas avoir peur de se lancer et surtout croire en soi et en ses produits. C’est le pari que fait Nicolas Laugeon, chef d’entreprise de TAHITI BIO, dont l’usine, fraîchement implantée à Hiva oa, aux îles Marquises, commercialise ses premiers produits en ce début d’année 2018. Zoom sur cet homme courageux, pionnier dans son domaine, qui souhaite faire rayonner la richesse du terroir de nos îles à l’international.
L'esprit d'entreprendre : un héritage familial
Le commerce, c’est une affaire de famille chez les Laugeon : « Papa faisait du commerce, de l’importation de produits alimentaires divers avec Hong Kong. » Né à Papeete en 1962, après des études à Fariimata et La Mennais, et l’obtention d’un BEP comptabilité, Nicolas part aux États-Unis en 1979. « J’y ai fait des études d’informatique, de programmation et d’électronique. » Il revient en Polynésie en 1984 et monte alors sa première société et s’associe avec son frère, Julien : « on a mis en place un logiciel de gestion / facturation / comptabilité en réseau un peu partout dans les entreprises, des serveurs pour les banques, le CHT, l’OPT, informatisé le premier magasin de Louis Wan. » Avec une dernière mise en réseau de l’administration en 2003, Nicolas veut faire autre chose.
Technopro et les énergies renouvelables
En 2003, la première société solaire TECHNOPRO créée par Nicolas voit le jour. Depuis 2006 il installe des systèmes tournés vers les énergies renouvelables comme le solaire et l’éolien dans les îles et les atolls éloignés pour des habitations individuelles ainsi que des centrales hybrides pour des communes. « À présent, TECHNOPRO assiste 5 communes parmi les 7 déjà équipées d’une centrale hybride dans les atolls éloignés de la Polynésie, en plus des sites résidentiels et projets industriels et commerciaux répartis à travers Tahiti et les îles éloignées. » La société TECHNOPRO basée à Papeete compte aujourd’hui six salariés.
Hiva Queen et Tahiti Bio : des produits de qualité
Nicolas parcourt les îles de Polynésie au cours de ses voyages d’affaires et crée en 2014 la société HIVA QUEEN. Cette nouvelle entreprise, dans le domaine de l’apiculture, gère des ruches situées entre Hiva oa / Ua Huka, aux îles Marquises, et Tahaa. Il prévoit d’en installer aussi à Tahuata (îles Marquises). Par la suite, il lui vient une autre idée :
« À force de voyager dans les îles, je me suis dit, ces cocos-là, il faut en faire quelque chose. »
En décembre 2017, Nicolas passe du solaire au bio avec l’inauguration d’une unité agro-industrielle qui transforme des produits agricoles : TAHITI BIO, basée à Hiva oa, sur une parcelle que la commune lui loue, à la sortie de la ville et près du quai. TAHITI BIO, créée en 2012, mais construite qu’en 2016, dispose d’équipements flambants neufs, transforme les cocos en huile vierge de coco et des fruits sélectionnés à dernière maturité, comme les bananes, les mangues et les papayes, en fruits séchés. L’objectif de Nicolas :
« Essayer de concurrencer des produits extérieurs, miser sur la qualité. On a une usine qui fonctionne à 100% avec des énergies renouvelables. »
En effet, des coques de coco sont utilisées pour alimenter un gazogène et des panneaux solaires assurent l’autonomie en électricité.
Selon Nicolas, « c’est une usine start-up, expérimentale : on cherche à maîtriser la production et l’achat des fruits, ainsi que leur commercialisation à l’international. Le but est de faire grandir cette usine et d’en construire d’autres ailleurs. » Huit personnes y travaillent actuellement, mais ce chiffre est amené à augmenter d’après Nicolas. Les producteurs locaux sont mis à contribution et soumis à une charte afin de garantir la qualité de leurs produits, et l’absence de tout produit chimique.
Le domaine du luxe dans l'objectif
Le secteur visé ? « Celui du luxe, des produits hauts de gamme. » En effet, c’est un monde où les règles classiques de fixation des prix ne sont pas forcément valables.
« À l’exportation, on prévoit de vendre l’huile de coco avec un prix plus élevé que pour le marché local. Sa durée de péremption étant de un an. »
La qualité du produit est certes indispensable, mais pas suffisante. L’image du produit, sa rareté et la satisfaction que peut apporter son achat sont toutes aussi essentielles. La nature encore préservée des îles Marquises en font un joyau, une perle rare dans un monde agricole extérieur de plus en plus dépendant de produits chimiques, dont l’utilisation n’est jamais anodine. Certains affirment que ces molécules chimiques ont un lien dans la survenue de maladies telles que l’autisme, le syndrome d’hyperactivité et de déficit de l’attention, le retard mental, la dyslexie, et d’autres troubles neurologiques.
« TAHITI BIO commercialise la marque TAHITI NATURALS. »
Acheter bio, dans un environnement quasi vierge de tout intrant chimique, le paradis de Gauguin et de Brel, cela a un certain cachet. En plus, force est de constater que la prise de conscience et l’engouement pour les produits « bio », « healthy/santé », est de plus en plus palpable dans nos sociétés actuelles. L’huile de coco, utilisée en cuisine, comme huile de massage ou comme cosmétique, a le vent en poupe. Cet acide gras, triglycéride à chaîne moyenne, a l’avantage d’être facilement assimilable par l’organisme.
Bénéficiant d’un prêt de la SOFIDEP et de la SOCREDO, Nicolas a dû avancer de l’argent en fonds propres. Pour lui, « Il y a de l’espoir dans ce pays, surtout dans le secteur primaire. Il faut se remettre à cultiver. Tahiti Bio est très bien reçu par la population marquisienne. »
Bientôt, selon le souhait du gouvernement polynésien de développer l’économie numérique, certaines îles des Marquises et des Tuamotu seront reliées au câble sous-marin Honotua et auront internet à haut-débit. Avec le développement de l’e-commerce, peut-être verrons-nous l’avènement du désenclavement de certaines îles et le retour des marquisiens sur la Terre des Hommes ?
Tehina de la Motte
Rédactrice web
© Photos : Hommes de Polynésie