
Esrom Turina, du décrochage scolaire à l’Expo universelle d’Osaka
Esrom Turina est aujourd’hui un artiste qui s’épanouit dans le dessin, la gravure et surtout la sculpture. Reconnu par ses pairs, le trentenaire, qui vient de participer à l’Expo universelle d’Osaka en 2025, est également professeur pour des jeunes en difficulté. Une belle revanche pour celui qui était en décrochage scolaire il y a quelques années.
Esrom Turina trace avec minutie des traits plus ou moins épais sur une grande feuille blanche.

« Je montre à mes élèves comment dessiner un mandala avec les ombrages. Chaque élève se servira de son mandala pour le graver ensuite sur la nacre. »
Un don hérité de sa mère
L’homme manie le crayon avec une aisance innée.
« J’ai toujours aimé dessiner. Quand j’étais petit, je n’avais que des livres sur le dessin pour apprendre les techniques. J’ai toujours aimé cela. C’est ma mère, institutrice, qui m’a transmis ces dons pour les choses manuelles, artistiques. Elle adorait coudre, dessiner, peindre. Elle faisait même des tableaux qu’elle offrait à ses copines… »
C’est au cœur de cet univers artistique que le jeune Esrom fait ses premiers pas.

« J’ai vécu mes deux premières années à Tubuai, aux Australes, car mon père est originaire de cette île, puis nous sommes allés vivre à Moorea. Je me souviens que vers l’âge de trois ans, ma mère m’avait prêté un petit canif et j’avais sculpté un petit bateau avec des bouts de bois flottés. »
Aîné de la fratrie, Esrom a quatre ans de plus que son cadet
« J’étais déjà grand par rapport à eux, alors pour m’occuper je dessinais, je sculptais, j’ai fait cela toute mon enfance. »
Un soutien financier pour sa famille
Esrom Turina passe son brevet, puis poursuit en filière STD2A1, mais à 16 ans, l’adolescent doit interrompre sa scolarité.
« On a eu des problèmes, et il a alors fallu que j’aide ma mère financièrement. J’ai dû aller travailler dans une roulotte. Puis, j’ai acheté aussi un peu de matériel et je me suis mis à faire des tatouages, comme je dessinais bien. »

La situation financière s’améliore et la mère du jeune homme le motive à reprendre ses études
« Mon petit frère était aussi en décrochage scolaire, il s’est inscrit à la MDLS2 et je l’ai suivi. J’ai eu l’occasion de faire un stage au FIFO, ça m’a beaucoup intéressé. Comme j’étais plus âgé que les autres, on m’a rapidement proposé un service civique en tant que surveillant. »
Le Centre des métiers d’art
Une fois terminé, un concours va changer sa vie. Des amis lui conseillent d’intégrer le Centre des métiers d’art.
« J’ai postulé et j’ai été pris. Pour moi, j’étais au bon endroit, au bon moment. J’ai obtenu un CAP en gravure et un bac pro en sculpture. J’ai énormément appris sur la culture polynésienne, sur les techniques de gravure et de sculpture. L’une de mes sculptures a même été offerte comme cadeau au président de la République lorsqu’il est venu en Polynésie en 2021. Lors d’une allocution présidentielle à la télé, j’ai vu que mon œuvre était posée sur l’étagère derrière lui à l’Élysée. Ça m’a fait quelque chose. »
Transmettre à son tour
À l’issue de ces quatre années d’études au CMA, la direction lui propose de passer du statut d’élève à celui de professeur. Il y restera cinq ans.
« C’est très gratifiant, c’est un beau revers de la vie. Ça a été une superbe expérience de transmettre à mon tour ce qu’on m’avait appris. J’ai eu l’occasion de partir à Osaka pour l’Exposition universelle en 2025 : une de mes sculptures en pierre était exposée dans le pavillon français. C’était un honneur et une superbe expérience. »
En 2025, après presque une décennie au CMA qui a complètement changé sa vie, le trentenaire décide de poursuivre sa route ailleurs.
« Je continue d’enseigner la gravure et la sculpture, notamment à la Mission de persévérance scolaire. C’est important pour moi d’aider ces jeunes qui ont un parcours difficile. J’ai réussi à m’en sortir, c’est possible. Et, j’ai besoin maintenant de me consacrer davantage à la création. Je souhaite lancer mon entreprise, faire des expos persos. J’aime travailler la matière, la pierre. Je suis habité par l’art. »

¹ Sciences et technologies du design et des arts appliqués
2 Mission de lutte contre le décrochage scolaire
Rédactrice
©Photos : Pauline Stasi pour Hommes de Polynésie
Directeur de publication : Yvon Bardes



