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Évasion

À la découverte des cigares avec Taimana

Publié le 15 novembre 2017

« À chaque fois qu’on fume un cigare, on voyage : dans le pays producteur de cigare, dans ses rêves et ses pensées. » 

Du haut de ses 29 ans, Taimana Ellacott est un jeune homme qui recherche les plaisirs que peut lui apporter la vie. Président du Tahiti Club Cigar depuis sa création en 2014, Hommes de Polynésie est allé à la rencontre de cet afficionado1 des cigares, passionné par les plaisirs des sens que lui procurent « los puros2 » et très à l’aise pour nous en parler. Zoom sur un univers, méconnu du grand public et souvent en proie à de nombreux préjugés.

« J’ai toujours détesté la cigarette et paradoxalement, l’odeur du cigare m’attire. »

Originaire de Tahiti, Taimana y fait ses classes. De ses souvenirs d’enfance, il raconte, le sourire aux lèvres :

« Mes premiers cigares, j’allais les piquer dans la boîte de papa à 16-17 ans, pour faire le mariole avec les copains. Quand mon père fumait un cigare et qu’il m’appelait pour me dire quelque chose, j’étais là plus pour sentir les cigares que pour écouter ce qu’il avait à me dire. »

Après un deug d’économie à l’Université de Polynésie Française, Taimana s’envole à Bordeaux où il obtient une licence et un master d’économie. C’est dans cette ville, bien connue du monde entier pour ses vins et ses vignobles qu’il se prend, entre autres, de passion pour les cigares. Il reste cinq ans en France, dont deux à Paris, années durant lesquelles il suivra une préparation à l’École Normale d’Administration.

Taimana ajoute : « En France les cigares sont beaucoup moins chers qu’ici. Pour 4-5 euros, on en trouve d’assez bonne qualité. Les « moyen de gamme » tournent autour de 8 à 12 euros – les « haut de gamme » autour de 17 euros et les « très haut de gamme », entre 34 à 42 euros le cigare. » 

« Mes copains tahitiens au début pensaient que je les prenais de haut. »

Si au début, à 19 ans, Taimana fumait un cigare toutes les deux semaines, son entourage d’étudiants trouvait cela un peu drôle et ne comprenait pas toujours. 

Taimana précise : « Le cigare a une mauvaise image à cause d’Hollywood. Au temps du cinéma muet, pour caricaturer le patron qui exploite les travailleurs, il suffisait de lui mettre un cigare dans la bouche. Mais à Cuba, c’est tout le monde qui fume des cigares. Et là-bas, tout le monde fume le cigare ! Peu importe leur situation sociale ou leur niveau de vie, qui reste plus faible que la moyenne mondiale. » Autour de lui, beaucoup se sont mis à fumer le cigare.

Pour Taimana, le cigare n’est pas un produit de luxe mais plutôt un produit d’épicurien, qui a ses arômes, ses complexités. Fumer un cigare toutes les deux semaines revient moins cher qu’un paquet de cigarette que beaucoup fument en un jour.

« Certains disent que c’est un plaisir solitaire. »

Pour Taimana, un bon cigare peut être aussi bien fumé seul que partagé. Quand il revient de France en octobre 2013, il ramène des produits qu’il déniche et les partage avec son père qui découvre alors sa passion. Avec un petit groupe d’amateurs de cigares composé de Vatea Aline, Yvon Bardes, Heimana Besineau, Patrick Champs, Teiva Forteleoni, Manuarii Mervin et Stéphane Perez, il monte le Tahiti Club Cigar (TCC) qui se réunit pour la première fois en 2014 et, depuis, tous les deuxièmes jeudis du mois.

« C’est plus un club d’épicuriens. Bien sûr, le cigare reste au cœur de nos rencontres, mais dans les statuts on veut faire rayonner l’épicurisme à travers les produits et les flacons. »

Taimana apprécie le fait que ce club soit totalement éclectique. On y trouve toutes les origines ethniques confondues mais aussi tous les corps de métier.

« On est 50 à fumer de manière solitaire, mais tous ensembles. Nous avons réussi à créer un groupe éclectique d’épicuriens riche de sa diversité. »

Le club ne peut accueillir plus de 50 membres, et cette année, le numerus clausus3 est atteint. D’après Taimana « les restaurants qui nous accueillent ne peuvent pas prendre plus de 40-50 personnes. C’est aussi symbolique, car deux boites de cigares correspondent à 50 personnes. » Depuis l’année dernière, le Tahiti Club Cigar est dans l’annuaire des clubs de France, et ses coordonnées présentes dans la revue « l’Amateur de cigares ». Les cigares ne sont vendus qu’aux membres, car il n’est pas si facile que ça d’en trouver en Polynésie.

« On a fait un voyage à Cuba l’année dernière et cette année ce sera en février. Notre but : faire un voyage tous les deux ans. Pourquoi pas la route des whiskys en Ecosse, en Irlande ou au Japon ? Mais toujours dans un pays cigar friendly! »

Reconnaissant, Taimana a une pensée pour ceux qui font vivre l’association :

« Je tiens à remercier tous ceux qui, de près ou de loin, œuvrent pour la réussite de ce Club. Parmi eux, j’ai une pensée pour le bureau de l’association, en particulier Didier PHILIPPE, trésorier du TCC depuis maintenant 3 ans, qui abat un travail extraordinaire. Didier est un pilier important du club sans qui rien n’aurait pu se développer. Merci encore mon ch’ti Didier. »

« Le cigare c’est une expérience, c’est un moment. Il y a des cigares qui marquent. »

Taimana se rappelle d’un cigare qui l’a fait pleurer tellement les arômes étaient exceptionnels. Il s’agit du Cohiba Sublimes Edicion Limitada 2004 : « j’ai réussi à en avoir deux. On était à la Ciotat du côté de Marseille et on a fumé ça au sunset. »

Selon Taimana, les cubains et les américains ne parlent pas vraiment d’arôme. Ils décrivent le cigare comme étant plus ou moins puissant, plus ou moins aromatique : « les français, peut-être plus poétiques, ont voulu mettre des noms sur les arômes. »

Voici quelques explications à destination des novices données par Taimana :

Le cigare est divisé en trois parties :

1er tiers : le foin, plus léger en arômes,

2ème tiers : le divin, avec les arômes les plus plaisants,

3ème tiers : le purin, plus acre et plus amer.

Il y a quatre arômes principaux :

Herbacé (fougère, lichen, champignons, sous-bois)

Poivré (épices : piment, poivron, fruit secs, cacao, café)

Cuir

Terre

La qualité d’un cigare ne se voit pas seulement à ses arômes, mais aussi :

à la longueur de son divin

s’il est bien roulé

si le tirage est parfait

s’il est bien conservé, avec un taux d’humidité relative compris entre 70 et 75 %

Taimana regrette qu’il soit si difficile de se procurer des cigares ici à Tahiti mais surtout que les prix soient excessifs depuis 2007. Pour lui, c’est difficile, surtout pour les touristes qui ont l’habitude d’en trouver ailleurs et n’en trouvent pas sur place. 

Il ajoute « en tant qu’amateur, j’évite au maximum les pays où il n’y en a pas lorsque je pars en vacances. En France, la production de tabac c’est un monopole d’état. Mais ici, il faut que le Pays se positionne pour que la compétence soit territoriale et pas d’état. »

Pour les amateurs, fumer le cigare s’accompagne souvent d’un rituel qui met nos sens en éveil. Fumer le cigare, c’est aussi s’intéresser à sa composition, son élaboration, son histoire, mais aussi à la richesse des terroirs. C’est tout un univers à explorer qui nous invite au voyage. Le souhait de Taimana ?

« Démocratiser cette passion, même s’il ne faut pas en abuser, ajoute-t-il. Cela reste un produit exceptionnel et philosophique très intéressant. »

1 Amateur

2 Les cigares

3 Du latin « nombre fermé ». Désigne un nombre fixe de personnes admises

4 Ami des cigares

Tehina de la Motte
Rédactrice web

© Photos : Hommes de Polynésie

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